26 janvier 2011

23 janvier 2011 - Ou la preuve qu'un malheur n'arrive jamais seul!


La journée avait pourtant bien commencé… Si je commence ainsi, vous savez bien que ça c’est donc gâter avant la fin. Pendant la fin, je devrais dire…

En sortant du relais Marathon, à Franklin, KY, la sonnerie de mon 10-4 retentit. J’ai tout de suite trouvé ça étrange, car sur le téléphone de Caro, le bouton du 10-4 ne fonctionne plus (« c’est la première fois que j’entends parler d’un tel problème » a dit la jolie Madame Bell de Joliette… ben oui, me semble!). Caro donc, dis-je, me téléphone en direct à grand frais…

Je saisis le téléphone… C’est Reefer! Belle surprise, alors que je me disais il y a quelques jours que ça faisait un moment qu’on ne s’était parlé (hormis le souper de Noël). Le plus drôle, c’est qu’il est tout juste derrière moi! Mais comme ma radio-CB est sur le canal 19 et qu’il m’appelle sur le canal 12, je ne réponds pas, ben évidemment…

Nous ajustons donc nos canaux… et en peu de temps, un américain fru nous amène à choisir une autre fréquence! Reefer me raconte qu’il a roulé, la veille dans la tempête, sur un alligator (une carcasse de pneu) et que celui-ci a arraché la tuyauterie sur un réservoir de carburant! Chanceux…

Ledit réservoir s’est donc répandu sur la route (ne le dite surtout pas à personne!), et il manqua donc de diesel, allant choir sur le stationnement, en fait dans l’entrée, du Pilot de Franklin, KY. La compagnie a donc rejoint Ti-Jean (il était plus près que moi) afin qu’il rejoigne Reefer afin de tirer son camion jusqu’au Pétro, de l’autre côté de la rue, pour qu’ils puissent réparer tout ça.

Quelques heures plus tard, et quelques centaines de dollars en moins, le tout était réparé. Une demi-nuit plus tard, il était là derrière moi, en route lui aussi pour Lebanon. Ti-Jean, une fois « crinqué » de son dépannage, s’était rendu là-bas en début de nuit.

Nous sommes donc arrivés vers 10h00 à Lebanon. Chanceux, nous avons tous les deux été envoyés à Springfield, TN, pour un voyage pré-chargé, et selon les heures, qui seraient tous les deux prêt dès notre arrivée. Le temps de diner et de mettre nos potins à jour, et nous pouvions repartir vers Springfield.

Une heure et des poussières plus tard, nous y étions. Mon voyage était prêt, mais pas celui pour Reefer. J’ai donc procéder de mon côté, et Reefer, qui avait eu la nuit plutôt courte, s’est installé pour le dodo. Ironiquement, il partira trente minutes derrière moi…

Je suis donc parti de Springfield à 15h30. Je me suis rendu à Cross Plains, TN pour y mettre soixante gallons de carburant. Avec mon nouveau camion, je ne peux pas (enfin, je ne prends pas la chance) revenir jusqu’en Ontario sans ajouter un peu de carburant. Je me rends ensuite à Smiths Grove, KY pour y manger mon souper. Presqu’en même temps, Reefer se rend à Horse Cave, KY, quelques sorties plus loin, pour y manger des succulentes lanières de poulet!

Je me rends ensuite jusqu’à Glencoe, KY, un peu avant Cincinnati. La nuit s’annonce froide… Au petit matin, je déjeune, je démarre, et je pars… Dès la rue, le camion commence à ruer. Dans ma tête, ça dit : « calice, je gèle ». Je étant bien sur le diesel… Je me rends à la sortie de peine et misère. Je m’y tasse sur le côté (qui en hiver n’est pas très volumineux), afin de laisser le temps au moteur de reprendre ses esprits. Lorsque le problème est dans la tuyauterie, un peu de chaleur du moteur peut aider un peu (un peu, mais ça ne fait évidemment pas de miracle).

Lorsque le moteur semble aller mieux, je pars. De là, j’ai fait le plus long vingt-cinq kilomètres de toute ma courte vie! Par chance, ce que nous ramenons de Springfield n’est pas trop pesant; en fait, c’est comme un demi-chargement. Et l’autoroute 71, entre Louisville, KY et Cincinnati, OH, ressemble à une montagne russe, avec deux méga-montées, les deux dans le coin où je me trouve. J’ai donc pu me prendre un peu de vitesse en montant dans la première côte, qui inclut la rampe sur laquelle j’embarque sur l’autoroute. Mais le camion recommença assez rapidement à ruer dans les brancards. Et il rua, et rua encore. Un peu de répit dans les descentes, mais retour à la normale (la normale qui rue, dans ce cas) dès les montées!

Je me suis dit que, ayant les réservoirs à la moitié, je me devais d’aller les remplir avec du diesel d’hiver (je suis sûr que le Kentucky en offre, mais pas sûr pour le Tennessee, chose que je chercherai sur Internet dès que possible). Et au passage, mettre de l’additif, antigel nettoyant, lubrifiant, etc… Dans ce secteur, deux choix s’offre à moi au bout de l’autoroute 71 (enfin, ce n’est pas le vrai bout, mais là où elle rejoint l’autoroute 75) : un maudit J Volant vers le sud, à un demi-mile, ou un TA à un mile vers le nord, celui-là avec un garage.

J’hais les J Volant pour m’en confesser (et j’en aurai une autre raison, même si ce n’est pas vraiment de leur faute), mais dans l’urgence, je me dis qu’un demi-mile, c’est toujours ça de pris. Je prends donc la sortie vers le sud, puis la sortie qui commence presqu’aussitôt la rampe terminée.  Chanceux comme pas un, je peux tourner sur la rouge, parce qu’il n’y a personne sur l’autre sens, et ma lumière pour tourner à gauche a la flèche sur mon sens. Je peux donc rouler jusqu’aux pompes, à peu près au moment où mon moteur s’étouffe. C’est quand même moi qui ai coupé le contact, mais il ne lui restait pas beaucoup de glou-glou a faire avant de s’éteindre de lui-même.

Presque toutes les pompes avaient leurs cadavres d’additifs et d’antigels en tous genres. Avec le froid intense vient les problèmes de carburant… Je vais donc à l’intérieur pour m’en acheter un bidon. Il y en a un plein étalage, alors je fais un peu de lecture afin d’en trouver un approprié (pas de traces de Prolab aux États-Unis…). Je paye, et je vais le verser dans mes deux réservoirs, en part à peu près égales. Puis, je démarre la pompe. Il faut insérer la carte, pitonner deux ou trois informations, entrer Non à une quantité d’autres, insérer les boyaux et pomper. Je démarre donc le côté chauffeur. En me retournant pour aller de l’autre côté afin de démarrer le côté passager, j’accroche la manette sur la pompe et donc éteint la pompe! Avec un gros six et quek chose de carburant d’acheter! Osti…

Je tente de redémarrer la pompe. Impossible… Je vais voir la dame à l’intérieur pour la lui faire redémarrer en expliquant la situation. Elle ne peut pas plus que la machine. Je téléphone au bureau, et malgré que ce soit samedi, Jocelyn, Martin et Mathiew sont tous présents! Ça c’est du service! Jocelyn lui-même est confus sur la source du problème. La carte est bien barré sur une quantité maximum par jour (mais amplement plus que pour faire le plein) ou sur un montant maximum, mais pas sur un nombre d’achat par jour (en tout cas, pas par la compagnie).

Il me débloque alors une avance d’argent, à grand frais parce que l’achat de carburant n’est pas suffisant (celui facturé directement sur la carte), afin que je puisse faire le plein. L’ajout de carburant diminuera la proportion du carburant « d’été », et réchauffera la température puisque le carburant dans les réservoirs sous terre sera un peu plus chaud que celui de mes réservoirs. Bref, tout ça et l’additif devrait régler en bonne partie mon problème.

Je finis par réussir à faire le plein. Comme de coutume, je dois avancer le camion pour laisser l’espace pour le prochain client. Va-t-il démarrer? Je m’installe au volant, débarre l’antivol, et tourne la clé. Vroum… comme en été! Bon, bonne affaire! Je m’avance d’une longueur de camion, puis je me rends à l’intérieur pour finaliser la facturation.

Par la suite, je me rends au stationnement afin de prendre quelques minutes pour mette de l’ordre dans mes papiers (je le fais toujours au fur et à mesure) : plusieurs factures sont imprimées pour deux achats de diesel, un achat d’additif, une avance d’argent, alouette! Et tout doit être fait dans l’ordre, sinon André va téléphoner lundi… ;)

Je suis donc parti ensuite de bon cœur, heureux du dénouement final. Je ne m’en tirais pas trop mal malgré tout. La journée s’est bien déroulée par la suite. Qu’il faisait bon entendre ronronner mon moteur comme un petit chaton!

Mais l’histoire ne se termine pas là… Je me suis rendu jusqu’à Port Hope, ON., afin d’y passer la nuit. Je me suis levé tôt, afin de rentrer tôt, mais aussi de rattraper Reefer, lui étant à Belleville, ON., écœuré de suivre les grattes… C’est d’ailleurs pour ça que je me suis arrêté à Port Hope (je devais me rendre à Belleville moi aussi), après avoir suivi les grattes trop longtemps à mon goût! Ah, les joies du déneigement bizarre de l’Ontario!

Bref, ce matin (au moment où j’écris), je me réveille à 3h30. Après un petit déjeuner, je vais me chercher un café. De retour au camion, j’ai hâte de voir comment le démarrage ira (on reste avec une petite crainte). Vroum, comme en été, encore une fois! Parfait. Quelques minutes plus tard, je suis sur l’autoroute 401. Le Cummins ronronne encore comme un petit chaton. Bon signe. Selon mes calculs, je serai à temps à la hauteur de Belleville pour le départ de Reefer. Comme nous nous étions dits la veille, tout est dans la communication! Contrairement à la journée précédente, nous avions partagé nos heures de dodo et de départ, alors au matin, on pouvait aviser en conséquence!

Mais comme on a dit aussi, le malheur n’arrive jamais seul! Juste avant Belleville, je rencontre une autre série de grattes. Encore un brin de retard! Puis, pour en rajouter, rendu à Mallorytown, ON, mon camion fait une ou deux éructations, puis, plus rien! Pas de ruades comme la veille, juste rien! E-rien, même! En regardant mes cadrans, je constate que j’ai plus de diesel qu’hier! Non, je ne vous donne pas ma recette… sauf que dans ma tête ça dit : « le transfert ne se fait pas! » Tabarnak! Je me stationne dans l’entrée de la rampe de la halte routière, qui est bien sûr fermée pour rénovation… Tellement mieux en Ontario!

Explication : un camion a deux réservoirs de carburants. Le transfert entre les deux se fait par gravité. Il n’y a pas de bouton comme sur certains pick-up pour choisir un réservoir. Tu en ajoutes dans l’un ou l’autre côté, et après quelques minutes, ça s’équilibre. La pompe en prend d’un seul côté, et le surplus est recraché de l’autre côté. C’est pour ça que si le transfert ne se fait plus, un réservoir se rempli et l’autre se vide.

Bref, j’ai une panne sèche avec les réservoirs à moitié! Ah, les joies de l’hiver! Après avoir été installé mes triangles, je téléphone à Martin. Première étape : vérifier si un service routier est disponible « vite-et-proche ». Déjà difficile de le savoir, car personne ne répond! Que vaut un « service 24 heures » s’il n’y a personne pour répondre au moins au téléphone? Réponse personnel : probablement la même chose qu’un concessionnaire qui se dit ouvert 24 heures, mais dont il n’y aura qu’une personne pour accueillir la remorque et le client, mais que dans les faits, aucun mécanicien n’est à son poste.

Étape deux : vérifier si un de nos chauffeurs n’est pas dans mes traces. Je n’ai toujours pas rejoint Reefer, mais à l’heure qu’il est, si il est toujours au téléphone, c’est qu’il ne s’est pas arrêté déjeuner à Cardinal, donc, il est maintenant trop loin devant. Semble t’il que Méo est disponible. Il m’amènera un cinq gallons de diesel, et en faisant fonctionner la pompe électrique via la clé (trois minutes comme ceci, trente secondes comme cela, répéter trois fois, et démarrer). Ce qui permettra de remplir le filtre à carburant de carburant, justement. Mais il sera là dans une heure! Pas de problème, j’ai de la chaleur…

On va dire que ça a pris une heure et demie. Je ramasse le bidon, le verse dans le réservoir, referme le bouchon et « swigne » le bidon dans la cabine. Méo va se réchauffeur dans son camion, et je monte dans le mien. Pendant que je fais le code digne des bons vieux jeux Nintendo, la génératrice ne fonctionnera pas, ni le chauffage. Bon, pas si grave, ce n’est que dix minutes, après tout! Ben, on annonce -25 pour Ottawa, à environ une heure d’ici, donc ici il ne doit pas faire tellement plus chaud! Dix minutes plus tard, j’essaie : VRrrrrrrrrrrrrr (son de machin qui vire dans l’beurre). Je recommence la manœuvre. Un autre dix minutes. Là, les vitres sont givrées, et mes pieds, bien que dans mes bottes de ski-doo (des grosses Sorel -70) frissonnent. Toujours rien. Pas même une tentative, pas un demi-milli-vroum…

On passe donc à l’étape trois. Je recontacte Martin. Il faudra un service routier. Nous donnons son congé à Méo, qui trépigne d’impatience depuis le début. Méo est du type nerveux, et qui jappe fort, mais je doute qu’il morde! ;)

Martin me rappelle quelques minutes plus tard. Un certain Nick sera ici dans une heure environ. C’est lui le plus proche disponible! Ne reste plus qu’à attendre…

Vers une heure moins deux (c’est une expression, mais disons « juste avant treize heures »), Martin me téléphone. « Est-ce qu’il est arrivé? » « Eh, non, mais est-ce que c’est « Cardinal »? » « Oui, c’est bien le gars de Cardinal » « Ok, il vient de passer sur l’autre sens, alors il doit être sur la veille d’arrivée ».
En effet, je venais tout juste de voir le cube de Peterbilt passé en direction ouest. Quelques secondes à peine après avoir raccroché, le cube se stationnait juste en avant de moi! Bingo!

Le gars, probablement Nick, mais je n’ai pas eu le temps de demander, s’approche du camion en notant les informations afin de faire la facture (ils commencent évidemment tous par là) : nom de la compagnie, numéro de plaque, numéro de permis, etc. Il vient près de ma porte, je l’ouvre et il note le numéro d’indentification du véhicule (le numéro de série) et me tends la facture pour que je la signe. Il a inscrit 13h00 comme heure de début de l’activité. Je regarde sur mon téléphone : il est effectivement 13h02 à ce moment précis. Déjà? C’est fou ce qu’on peut perdre la notion du temps en état de dépression sur le bord d’une autoroute…

Une fois les paperasseries réglées, il amène deux bidons de cinq gallons de carburant, et les vide dans mon réservoir presque vide (ça en fera donc trois au totale). Il ajoute une bouteille de Howes, mon ancien additif préféré (si j’avais l’autorisation d’en ajouter…) qu’il divise de chaque côté.

Ensuite, il  ouvre le capot. Nous constatons que la pompe à carburant fonctionne. Je monte à bord et j’essaie de démarrer. Rien. Il va du côté passager, regarde ici et là (difficile à dire vu du siège) et peut-être touche t’il quelque chose). Je réessaye. Rien, mais un presque Vroum en lâchant la clé. Ah? Je réessaye… Vroum… peteuf… peteuf… peteuf… etc… Bon! Je fais tourner le moteur un peu plus vite qu’au ralenti pendant un moment afin qu’il prenne son respire… ou que le filtre à carburant se re-remplisse (environ un litre).
« Probablement Nick » vient me voir, et me dit qu’il n’est pas certain si le tuyau du transfert est dégelé, donc que je suis mieux d’aller faire le plein et de surveiller de plus près pour quelques jours. Il ramasse ses cossins et repart.

Je vais ramasser mes triangles (c’est si facile de les oublier là). Juste avant de repartir, je note l’heure : il est 13h15! Quinze minutes que ça lui aura pris… et encore, il est parti depuis presque cinq minutes déjà… Je me rends ensuite à Spencerville, ON, pour y faire le plein. Je suis évidemment sur-attentif à chaque son du moteur, à chaque « coup » que je ressents, bien souvent seulement une bosse sur l’autoroute…

Par la suite, un petit arrêt à Rivière-Beaudette, pour un café du Tim, avec un biscuit, et aussitôt fait, direction garage. À mon arrivée, je vais refaire le plein… mais évidemment, il n’en rentre pas beaucoup!

Pour résumé, cette petite aventure commença à 7h30 et je repartis à 13h30… Six heures de pause forcée, et bénévole, sur le rebord de l’autoroute, à me faire brassé à chaque camion qui passe.

Serait-ce arrivé si je n’avais pas ajouté soixante gallons de diesel dans le Tennessee? Était-ce du diesel d’été? Ou est-ce simplement le trop grand froid?

Serait-ce arrivé si j’avais refait le plein à Comber, comme supposé en temps normal? Ce que je n’ai pas fait puisque j’en avais amplement pour rentrer au garage de la compagnie…

Vais-je stressé avec ça ben longtemps, en me demandant toujours si il reste un peu de « carburant du diable » dans mes réservoirs, et qu’un moindre faux pas me causera un autre problème?

La seule question en fait auquel je peux répondre, est celle-ci : vais-je porter attention à mon aiguille de niveau de réservoir? Oui… et faire le plein le plus souvent possible par temps froid… et à chaque passage à Comber, ON, besoin ou non.

Et si vous vous demandez si ça arrive souvent? En quatorze ans, dont quatre pour une compagnie qui nous faisait brûler n’importe quoi comme carburant, c’est la première fois que ça m’arrive.

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