31 décembre 2006

Meilleurs voeux!

Joyeux Noël en retard!
Bonne et Heureuse année à tous. Je vous souhaite de la santé, la seule chose qui compte vraiment.

Ne soyez pas trop sage, et profitez de la vie.

12 décembre 2006

Pris dans la tempête!

Il y a deux semaines, sois tout juste après le souper "de noël", je reçois un voyage avec départ de Montréal-Est à destination de North Kansas City, MO. Mon camion étant retourné "tout seul" à Saint-Chrysostome pour cause d'inspection annuelle, je me dois de partir de la maison très tôt. En plus, je devrai faire un arrêt Réinspection à Valleyfield avant de partir réellement pour recevoir mon autocollant de conformité pour l'année qui vient. Je sens déjà, encore chez moi, que la semaine va être longue... Une chance au moins que je n'ai pas demandé à partir dès dimanche matin, tout de suite après le "lendemain de veille"!

Très tôt pour moi en mode travail, soit à 6h00, je suis debout. Réveille la conjointe, puis la fille. Un café, quelques roties et hop, dans l'auto. Nous voilà parti pour l'aventure. Direction Saint-Chrysostome. Temps de route: deux heures et plus, sans compter les bouchons. Nous avons à traverser Montréal. Lorsque nous partons de tôt matin, dans le sens de la circulation, nous choisissons d'aller rejoindre l'autoroute 25 car c'est la seule avec une voie réservée pour les voitures à trois occupants et plus. Comme personne (ou si peu) n'est trois dans son véhicule, nous avons pratiquement toujours une voie pour nous tout seul. Très pratique, à se demander pourquoi il n'y en a pas plus et aussi pourquoi si peu de gens décident de pratiquer une forme ou une autre de covoiturage.

Arrivé au camion, je transfère le bagage dans le camion. À l'intérieur, on m'indique que ma remorque est dans la cours et que je dois arrêter au garage qui fait nos inspections annuelles. Lori, la répartitrice côté retour, m'avise que je dois faire ma livraison assez tôt vendredi, car j'aurai à me rendre à Springfield, MO avant 14 heures. Ça donne presque 4 heures de routes! Ouf! Ça ne laisse pas beaucoup de place à l'erreur. Je décide donc de partir au plus vite. Tournée d'embrassades de rigueur avec les deux femmes de ma vie, et Pout Parti par là. Il est déjà 11 heures.

J'arrive au garage à midi moins deux... en tout cas juste assez trop tard pour que la secrétaire ne soit parti pour diner. C'est elle qui fait foi de tout... elle imprime LA feuille dont j'ai besoin pour rouler après le 30 novembre. On m'indique d'aller voir P.A. en arrière. Il est bien gentil et prêt à "regarder ça" sur le champ, mais il m'explique que si la secrétaire n'est pas là, c'est pas de chance! Bon, au moins ça me laissera le temps de diner moi aussi... De retour à 13 heures. P.A vérifie les deux points pour constater que les défaillances ont bien été corrigé. La première est sur la colonne de direction, la seconde est (sont, en fait) l'état des sabots de frein des roues arrières. Il m'apparait alors évident que le volant a perdu un certain jeu et est beaucoup plus ferme. Pour ce qui est des sabots, c'est probablement un relant de la fois où j'ai glacé les sabots sur ma remorque... ça ne pouvait pas ne pas avoir laissé de trace sur le camion. Le tout a pris un gros cinq minutes! Le mécanicien signe là où il doit, remet à la gentille secrétaire qui entre le tout dans le système de la SAA du Q, imprime ma copie et hop, me voilà reparti.

Pour ce voyage, à la vitesse (ou plutôt à la lenteur!) que j'opère, j'aurais dû être parti disons vers huit heures. Il est déjà passé 13 heures. J'aurai du rattrappage à faire. Au moins, je sais tout ça au moment du départ. Il ne me reste qu'à gérer le tout à ma convenance.

La première journée, sur la passionnante 401, se passe plutôt bien. Il fait beau, je suis en forme, la vie est belle. Je me couche un peu avant là où je l'aurais voulu, mais quand même toujours dans le domaine du raisonnable. Il me restera un peu plus d'une journée de route, mais en prévoyant 2 ou 3 heures pour le matin de la livraison, c'est faisable. Une bonne journée devant moi, mais faisable.

Le lendemain, je passe la douane vers 9 heures. Je suis "dans les temps". La radio commence à annoncer qu'il y a une tempête sur le mid-ouest... beaucoup de neige pour le Missouri. Bon, je traverserai le pont une fois à la rivière. De toute façon, un saguenéen n'a pas peur d'une petite bordée. Mon chemin consiste à aller prendre la US-24 entre Toledo, OH et Fort Wayne, IN, puis vers Indianapolis où je prends la I-70 vers l'ouest jusqu'à Kansas City. La route via la I-80 est à peine plus courte (environ 25 km), mais il faut passer le bouchon de Gary, IN. qui retarderait le voyage de plus de 15 minutes à coup sûr.

Dans l'après-midi, Grenouille me téléphone. Il me demande si je suis dans la tempête. Je réponds que non, qu'il n'a jamais fait si beau, et que tout va bien. Il me dit alors que Martin est arrêté à Joplin, MO et qu'il ne peut plus avancé à cause de la tempête. Je vais surement voir de la neige donc, car la tempête se dirige vers Chicago.

Vers Highland, IL, la pluie se met de la partie. En fait, il s'agit de verglas à son début. Lorsque je m'arrête à Troy, IL, pour une pause, je constate en débarquant l'état du verglas sur le stationnement et le trottoir vers la porte. Sur la route, la température était encore correcte pour circuler, l'eau étant projetée amplement des roues de ma remorque. Je me ramasse un café en me disant que les quelques 100 km de plus que je ferai à partir de là en seront 100 de moins à faire demain matin.

C'est là que la sauce a tourné!

Ce 100 kilomètres m'a pris près de deux heures à parcourir. Dès mon entrée au Missouri, la pluie se changea en neige glacée. Du type qui colle aux essuie-glaces et en fait des manches à balais. Ça nettoie tellement bien un pare-brise, un manche à balai! Au début, j'arrivais à maintenir une vitesse raisonnable. Mais rapidement, malgré le peu de véhicule sur la route, la chaussé devint bosselé, mal dégagé, les sorties parfois obstruées par le "ourlet d'gratte". Tout à coup, ralentissement... et arrêt complet. Je suis en pente montante. J'ai beau être chargé à bloc, je me doute bien que je ne repartirai "jamais" de là. La circulation est paralysée. Accident? Autoroute fermée? Nul ne sait. Le camion devant moi, qui était en train de changer de voie, tente de bouger. Il patine. J'essaie moi aussi de bouger. Je patine aussi. Je sors de ma tête tout ce que je sais des façons extrêmes de "partir" un camion qui patine. Je barre le différentiel, l'entre-deux essieux aussi. Heureusement, nous avons des "3/4 full lock". Par contre, ça patine quand même. Je passe les vitesses une à une en essayant très légèrement de faire bouger le camion. En première. En deuxième. En troisième. En quatrième. Pourquoi pas en cinquième. Oserais-je? Oui, je passe au palier supérieur et j'essaie même en sixième. Rien à faire.

Nous y passons un bon 30 minutes à ne pas bouger. Puis ça finit par redémarrer. Les automobiles partent évidemment les premières. Puis, un à un, les camions gossent, zignent et tataouinent pour finir par réussir difficilement à "s'arracher" et à rouler. Ouf. La camionnette qui me suit finit par voir que je ne suis pas sorti du bois et décide de me contourner. Enfin! Je peux donc reculer un peu pour mieux essayer d'avancer. En quelques essais, je suis parti. Il faut savoir que, parfois, le simple fait d'essayer de démarrer exactement là où nous nous sommes arrêtés peut amener un patinage des roues motrices. Les pneus étant chauds, ils font fondre la neige sous eux et l'eau devient de la glace en peu de temps. À partir de ce moment, ajouter un terrain inégal et bonjour les difficultés!

Malgré le vent, la visibilité réduite, la neige et un peu de fatigue, je réussis à joindre un nouveau "truck stop" tout petit, mais surchargé. De là, il me reste, à vitesse normale, un peu plus de 3 heures de routes pour le lendemain matin. Je règle mon cadran et le cadran de mon téléphone à poche (jamais trop prudent quand la nuit s'annonce courte!). Je me couche ensuite me laissant bercer par la couchette qui tangue au gré du vent. Dans l'état actuel de la température, en tenant compte du décalage horaire et de ma marge de manoeuvre, je m'endors avec la satisfaction du devoir accompli.

Bip... Bip... Bip... Mon réveil crie la torture. J'ouvre les yeux, regarde le mur en direction du cadran intégré de la couchette. Il est bien 5 heures du matin, heure de l'est. Ouf. J'ai une vague impression de ne pas avoir dormi longtemps. Normal: je N'AI PAS dormi longtemps! Je me relève (pour ne pas dire je me palante!) et m'asseoie au centre du lit. Je m'avance et d'un coup j'ouvre le rideau pour voir l'état de la nuit. Horreur! Le pare-brise est givré sur toute sa surface! D'instinct, je sais que ça ne va pas bien. L'idée de me recoucher en m'en "câlissant" est très forte... mais nous sommes vendredi et si je ne peux pas me rendre aujourd'hui chez mes clients (livraison et cueillette), je suis cuit pour une fin de semaine de repos forcé.

Mon professionnalisme a le dessus et je commence donc à enfiler mes vêtements. Je dois sortir mes bottes d'hiver car je n'en ai pas encore eu besoin. C'est la première fois qu'il fait si froid! La première chose qui se produit le matin étant trop souvent le besoin naturel (pensez-y comme il faut!), je dois donc courrir à la toilette. Heureusement, l'éclairage m'indique que l'endroit est ouvert de nuit! C'est déjà ça. Je gagne mon siège et tente de sortir... Tiens, la porte ne s'ouvre plus! J'en profite pour démarrer le moteur. Il part comme un neuf, n'étant arrêter que depuis si peu de temps. M'étant stationné sans trop savoir dans le sens du vent, il y a une couche très épaisse de glace qui recouvre tout le "côté chauffeur" du camion... ainsi que les entrailles de la porte fort probablement. Je dois donc sortir "côté passager"... en enjambant la valise de travail, le sac de pots vides, les boites de canettes vides à retourner, les souliers "d'été" ainsi que tous les papiers relatifs à mon chargement qui reposent entre les deux sièges. Je réussis à me rendre au bord de la porte, que j'ouvre en m'approchant, sans ne rien faire tomber dehors, tout en ne passant pas tout droit afin de ne pas tomber en bas. Ensuite, je peux me retourner en me demandant comment faire, trop habitué à descendre du "côté chauffeur", pour finalement descendre! Ouf, j'ai réussi... et tout ça pour ainsi dire encore endormi.

À mon retour (permettez moi de sauter quelques détails...), je dois entrer de la même façon, par le "mauvais côté" du camion. J'espère que la porte dégèlera avant la fin de la journée! Au moment du départ, je me demande si je réussirai premièrement à me rendre à l'autoroute. En effet, le stationnement n'a pas été déneigé. Il y a donc au moins 10 centimètres de neige partout. Et personne n'étant venu dans la nuit, il n'y a pas beaucoup de traces. Le camion s'élance en douceur. Je me faufile comme je le peux et je réussis à me rendre à la route d'accès, pas vraiment dégagée, qui m'amène à la rampe que j'emprunte pour regagner l'autoroute. Ouf! Ce n'est pas très beau. Mais comme je suis le seul assez fou pour être sur la route par un temps pareil, ça devrait aller. (Précisons que le degré de folie varie énormément entre mon Saguenay natal et n'importe quel état américain. Toute bordée de neige aux États-Unis amène une paralysie complète de la région touchée. Au Saguenay? Ce serait plutôt: Yahooo... Tient ma bière pis t'chèque ben ça!)

Demeurant professionnel, l'enjeu étant d'effectuer la livraison en parfait état, sécuritairement et légalement (notez l'ordre employé), j'entreprends donc mon épopée. J'arrive à prendre de la vitesse, mais pas beaucoup. Le vent est plutôt fort, la chaussée glissante et bosselée. Je sais déjà que je serai en retard. En fait, je n'ai pas vraiment d'heure officielle (lire: rendez-vous) pour la livraison. Mais je sais la distance à parcourir et le délai à respecter pour aller chercher mon chargement de retour. Et ce chargement de retour me demande d'être disponible assez tôt.

En temps normal, dans n'importe quel endroit, dès 5 heures le matin, il est facile de constater que, déjà, certaines gens commencent à se rendre au travail. Plus l'heure avance, plus la circulation augmente. En ce jour de tempête, la circulation reste très minime. Lorsque je constate que la quantité de voiture sur la route augmente, il est déjà 7 heures! Voyant l'indicateur de distance de l'autoroute, je constate que je n'ai pas été très productif. Lucien aurait-il raison? Pfff.

Puis, je dirais vers 7 heures et demi, la circulation s'arrête. Une fois arrêté, je me rends compte que le soleil est bien levé, très haut dans le ciel. Il fait un temps magnifique. Mais je suis arrêté! Mon ancien patron disait que "si les roues ne tournent pas, je ne fais pas d'argent". Un peu après huit heures, comme il se doit, je téléphone au bureau. J'avise Lori, notre répartitrice des chargements de retour, que je suis immobilisé sur l'autoroute, dans la tempête, sans savoir dans combien de temps je serai reparti. Comme je ne sais pas vraiment quand je pourrai être rendu à ma première destination, je ne sais trop quand pourrai-je me rendre à ma deuxième destination. Elle me dit qu'elle fera le nécessaire pour moi.

Commence alors un marathon d'attente très difficile entre moi et la route. Devant moi, je vois une automobile. Devant elle, il y a deux immenses Prévost transformés en Badabago, ainsi qu'une infinie suite de véhicule, tous dans la voie de droite, la seule où deux traces sont déglacées. Il y a bien un ou deux camionnettes qui ont empruntées la voie de gauche, mais vite plus personne n'osa s'y aventurer.

Dans un tel cas, on s'imagine toujours que "ça va réouvrir dans quelques minutes". Alors on commence par attendre en écoutant la radio. Puis, après un temps, on se dit que ce serait utile d'en profiter pour diner (je dine toujours tôt), mais en se disant aussi qu'il suffira de mettre le diner à chauffer pour que la route soit réouverte. Pas cette fois. Ensuite, on allume la télévision à la recherche de quelque chose d'intéressant à regarder. Puis, l'électricité vient à manquer; je redémarre alors le camion pour une heure environ, le temps de recharger les batteries. Le diner est bon malgré tout. Je m'étend un peu après le repas, mais je dois me relever à chaque cinq minutes pour regarder si les Badabago ont bougé.

Vers dix heures, Lori me téléphone pour me dire que mon voyage de retour a été changé pour une autre à ramasser à Kansas City, MO, soit de l'autre côté de la rivière. Une chose de réglé, mais encore faudra-t'il livrer avant. Vers treize heures trente, Jocelyn, mon répartiteur des voyages de départ me demande si je suis toujours au milieu de l'autoroute. Effectivement, zéro mouvement depuis avant huit heures ce matin! Je commence à voir la fin de semaine de repos forcé qui s'annonce.

Vers quatorze heures, la route est enfin réouverte. À deux doigts de la dépression, je redémarre finalement. Jocelyn me recontacte presqu'au même moment. Il me donne un numéro de téléphone cellulaire. Il me permettra de contacter une dame qui m'enverra quelqu'un du département de production pour me délester de mon chargement. La réception est fermée le soir et la nuit, mais la production fonctionne sur 24 heures. J'avise donc la dame que mon arrivée se fera vers dix-neuf heures.

La route était très bien dégagé maintenant, j'allais pouvoir rouler "pleine pine" pour le reste de la distance à parcourir. Du moins je le pensais. L'entretien des routes aux États-Unis étant géré par comtés, celui où la route avait été fermée était parfait. Mon hypothèse étant que la voirie a fermé sa section pour la déglacer à la niveleuse. Le soleil aidant, le travail fut admirablement bien fait. Ce n'était par contre pas le cas des autres comtés. Donc, ça a bien roulé dans les circonstances...

Vers vingt heures, j'arrivai dans la cours de mon client. Un appel à la dame et une heure plus tard, l'employé commençait le déchargement. Comme moi, il avait hâte de terminer. J'étais un surplus de travail pour lui. Par contre, dans un tel cas d'état d'urgence, tous sont conscient de la souplesse nécessaire et sont très coopératif. Je fut donc vide assez rapidement.

Sachant déjà mon voyage de retour, je me rendis de l'autre côté de la rivière Missouri. Après avoir donné mes informations à l'employé, qui a son tour m'indiqua une porte où me positionner, je pu enfin regagner mon lit. Il était maintenant vingt-trois heures! J'ai réglé le cadran pour le lendemain matin, et m'endormit presqu'aussitôt. J'ai senti le va-et-vient dans ma remorque vers une heure du matin, mais je me suis profondément rendormi très rapidement.

Le lendemain, je me suis réveillé avec le cadran, bien reposé. Je suis entré à l'intérieur pour y cueillir les papiers de mon chargement, pour ensuite partir vers la maison, lentement mais surement.

Tout au long de la route dans le Missouri, le paysage était à la désolation. Automobiles et camions enlisés sur le bord de la route, dans les rampes, dans les haltes routières, sur les stationnements... À l'est de Saint-Louis, du côté de l'Illinois, c'était plutôt du verglas. Le paysage était digne de celui du triangle noir d'il y a quelques années, près de Montréal.

La Garde Nationale a été demandé pour le grand Saint-Louis, afin de vérifier si des gens étaient demeurés chez eux, au froid et sans électricité.

Le reste de mon voyage s'est déroulé parfaitement. La semaine suivante, j'ai refait le même voyage de départ, comme pour exorciser cette semaine d'enfer! Au moins, je peux remercier mon équipe de soutien logistique, toujours là et toujours prète à réagir pour défaire et refaire leur plan de voyage.

Après un tel voyage, tous les autres deviennent si facile, si agréable...