11 novembre 2011

On va à New York - Partie 3


Un bon cinq minutes plus tard, qui en a paru beaucoup plus, je vois reculer l'auto-patrouille. C'est là que ça passe où ça casse, que je me dit. Et sur une semaine de trois jours, deux et demi même, si j'ai un billet, autant dire que j'aurais été mieux au chaud à la maison! Je baisse ma fenêtre du passager. Le policier :
- Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous?
Toujours mieux d'y aller avec la vérité...
- Est-ce que c'est permis que je mange mon souper ici? Dis-je en observant la dizaine d'affiches « Stationnement interdit ».
- Non! Est-ce que tu peux faire le tour? Dit le policier en me pointant l'autre camion.
- Est-ce que ça passe là où vous étiez stationné?
- Oui oui, fais ce que tu veux, mais contourne et va t'en!
Dans ce temps-là, tu ne prends même pas le temps de dire merci, et tu décâlisses! En espérant qu'il n'appelle pas son copain un peu plus loin (mais ça, j'imagine qu'on ne voit ça que dans les films)!

Je contourne et je reprends l'autoroute. En peu de temps, la circulation s'accélère, et un peu plus loin, un halte routière pour camion seulement se présente à moi. Tiens, c'est ici qu'on soupe!

La halte elle-même est barricadée, et sert de local pour la voirie. Et comme ils sont bien gentils, ils ont laissé la section de stationnement pour les camions ouverte. Ça et une toilette bleue, on est bien reçu dans le New Jersey! Tout en mangeant, j'essaie d'évaluer le temps qu'il me faudra pour rejoindre l'état de New York, et donc le Thruway. Ça ne me semble pas loin, mais mes souvenirs de ces environs, eux, sont très loins! En tout cas, une fois bien rassasié, j'ai ben de l'ambition...

Environ une heure plus loin par contre, je n'en ai plus. Je songe à sortir au relais de Mahwah, NJ, au début de la NJ-17, pour voir en même temps si ça existe encore... mais un sympathique moron ne veut pas vraiment coopérer. Je dois donc demeurer dans la voie de gauche, manquant ma sortie, et par le fait même me retrouvant sur la I-87. Au moins, c'est ma route... mais là, je commence à trouver que je pousse un peu ma chance. J'espère qu'il restera du stationnement à la halte de Sloathsburg, NY, parce que la suivante est à trente minutes plus loin, et ça, je n'en aurai pas la force!

J'arrive rapidement à la halte, et j'y entre tout doucement, en surveillant les places libres, où dont le chauffeur semble à « ça » de repartir. Heureusement, il y a une belle place qui m'attend! Je vais à l'intérieur de peine et misère, je cherche la salle de bain (il y a si longtemps que je n'y ai mis le pied), puis me souviens que l'aisance, c'est en fou quand même...

La nuit sera reposante, mais lorsque l haut, sur la mezzanine. Ça me prend tout ce qu'il me reste d'énergie pour faire mon travail puis retourner au camion. Il n'est que dix-huit heures trente! Wow... Journée bien remplie, mais journée dee cadran sonne, bien que je sois loin, je décide d'avancer l'heure du cadran. Mais bon, dans trop le savoir, parce que ce n'est pas évident, et qu'en plus je dors debout, j'avance en fait l'heure et non l'alarme! Je me rendors pour me réveiller que deux heures plus tard, tout surpris...

Je m'habille et je vais à l'intérieur pour un petit café et bagel du Dunkin Donuts (ça fait changement du Tim...). Je constate à ce moment qu'il est plus tôt que dans le camion. C'est là que je me rends compte de mon erreur de pitonnage... mais bon, si j'ai dormi douze heures, j'imagine que c'est que j'en avais besoin!

Je pars donc pour me refaire le New York Thruway dans l'autre sens, un autre vingt-six piasses. En passant dans la halte au nord d'Albany, qui sert de balance et qui était ouverte, je constate qu'un TJB y est en bonne compagnie : une auto-patrouille de chaque côté. Tiens, le camion rouge; c'est Béatrice. Je lance un appel radio, qui reste sans réponse. Bon, un moment donné, elle va repartir et me rattrapper! Ensuite, un arrêt à Wilton, NY afin de faxer mes papiers au bureau pour la douane. J'envoie mes numéros au bureau afin qu'ils puissent vérifier tout ça pour moi pendant que je roule.

Après un arrêt aux toilettes à la halte en bois rond dans les montagnes, et une visite à la balance de presque Plattsburg, NY, je reçois ma confirmation pour la douanes juste avant Champlain, NY, la ville de la frontière mais aussi le dernier relais, Champlain Peterbilt, où je voulais sortir pour un p'tit café. Mais bon, je décide de me rendre aux douanes, j'aurai tout le loisir d'arrêter après.

Le douanier me pose les questions habituelles... et m'envoie au quai pour vérification. Comme les quatre quai sont occupé, je me stationne et je vais à l'intérieur. Les gars qui sont là parlent de un heure et demi à deux heures pour y passer. Ouf... Un douanière finit par prendre mes papiers et me dire de reculer à un quai avant de me faire prendre ma place. Je m'exécute, et comme j'ai le temps, je vais dans la section où se trouve les toilettes et, accessoirement, les machines à cochonnerie.

À mon retour, tout le monde a quitté. Alors j'attends, et j'attends. Un moment donné, un homme arrive et dit :
- Est-ce que c'est vous pour tel client?
- Oui...
- Ah, on vous cherchait tantôt!
- J'étais aux toilettes...
Ils ont donc pu procéder. À partir de ce moment, ça a été raisonnablement rapidement. Je me suis rendu compte que c'était l'Environnement qui nous vérifiait. D'ailleurs, tout ce qui était à quai avant et après moi était de la matière dangereuse!

Une heure et demi après mon arrivée, je recevais finalement mon papier bien étampé pour sortir de là. Tout était évidemment parfait! Je me suis ensuite rendu chez le courtier en douane afin de recevoir mes placards. Je les ai ensuite installé sur chaque face de ma remorque. J'ai ensuite téléphoner à Jean-Luc, afin de savoir la suite de mon voyage : « emmène ça au garage ». À partir de ce moment, je devais me mettre à penser que je transporte des matières dangereuses, ce qui n'est pas évident quand ça fait une journée où tu n'as pas eu à le faire...

Ne me restait qu'à franchir la dernière heure de route qui me séparait du bureau. Ce qui fut fait rapidement, parce que je commençais à avoir hâte de poser mon sac de cuir. Bon, je savais que je ne le poserais pas longtemps au garage, parce que la tradition veut que je poursuive la route jusque chez moi avec le camion. Oui, je sais que je suis gâté! En même temps, c'est parce qu'on a le gros client des voyages pour Lebanon que ça me permet ça. Ça fait autant l'affaire du patron que de moi.

En arrivant au garage, je me suis dit que Béatrice pourrait bien être rentrée elle aussi, ou sinon, avec tout le temps que j'ai passé aux douanes, elle allait arriver avant que je ne reparte. Un coup d’œil dans la cours et je constate que son camion n'y est pas. Facile, car elle a notre seul camion rouge vif!

Je fais mon plein de bon Diesel, puis je stationne mon camion. Martin qui passait par là vient constater que mon alarme de basse tension sonne encore aussitôt que la porte s'ouvre. Je rentre ensuite à l'intérieur afin de voir de quoi sera fait ma rentrée avant que Jean-Luc ne quitte (bon, sur le coup, je n'ai pas pensé que le vendredi, c'est jour de rumba, alors ils collent tous au bureau plus longtemps).

En allant jeter un œil dans le garage, je constate que le camion rouge est là, en pleine opération « entretien »! Retournant vers le bureau, je me dit qu'elle est sûrement encore sur place... Et au même moment, des voix émanent de la cuisine. Je me tourne vers la fenêtre de la porte... pour voir un voyage de foin frisé! ;)

Enfin, je rencontrais la seule et la vraie Béatrice, après tant de discussion par Facebook interposé. Ça fait toujours drôle de rencontrer pour la première fois quelqu'un qu'on connaît virtuellement depuis un bon bout de temps. Une étrange impression de se connaître sans se connaître.

Alors après avoir fait un peu de jasette avec tous ceux qui sont passé par la cuisine, notre quartier général pour la soirée, soit les répartiteurs, les mécaniciens, les chauffeurs de ville qui revenaient de leur journée, et même quelques chauffeurs US qui revenaient tout comme moi de leur semaine, ou la commençait, c'est selon, Béa m'a partagé une partie de son souper, qu'elle avait fait réchauffer pendant tout ce temps. Alors que je m'abstenais de participer à la « p'tite bière du vendredi », vu que techniquement je retournais chez nous, les autres se faisaient plaisir allègrement!

Nous avons évidemment fait connaissance « en personne » et ce fut très agréable. Un moment donné dans la soirée, je suis retourné dans mon camion, et j'ai constaté que Caro me cherchait. Je lui ai téléphoné chez son amie Nadine. Vu l'heure avancée, j'ai décidé de coucher au garage et de partir plus tôt le lendemain matin. Je me devais de partir tôt car, le soir était le souper pour le quatre-vingtième anniversaire de tante Anna. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle ma semaine se compose d'un seul voyage dans la grosse pomme, soit deux jours et demi (parce que ce fut long).

Je suis donc retourné à l'intérieur pour annoncer la bonne nouvelle. Béa suggéra donc que je lui fasse visiter le dépanneur, vu qu'on manquait déjà de boisson! Ça promet pour le souper de noël! Dormant sur place, je pouvais maintenant participer activement... et je n'allais pas me faire prier!

La soirée s'est donc poursuivi jusqu'aux petites heures... c'est long, faire connaissance! Nous sommes passés bien prêt de manquer de bière... il en est rester une seule (que Béatrice a dompté parait-il dès son retour de la semaine suivante)! Ce fut une soirée très agréable... J'ai déjà hâte de rouler avec elle.

Le lendemain... ou devrais-je dire quelques heures après m'être étendu, je me suis réveillé afin de partir faire mon « arrivée ». Je devais prendre une remorque pleine chez TJB, l'amener à notre cour de Lachine, l'échanger avec une vide que j’amène à Joliette. Le tout en espérant, de tôt matin, que le pont Mercier soit ouvert du bon bord (bon, ok, il est maintenant ouvert des deux directions au moins sur une voie) et surtout que le message de sortie ait bien été envoyé. Impossible de se faire voler une remorque à notre cour de Lachine, car même nous tout a fait légalement, on a parfois de la misère à sortir!

Je suis arrivé à la maison juste à temps pour embarquer dans l'auto... Il faut aimer la route!

On va à New York - Partie 2


Comme à l'habitude, je reçois mon message pendant le déchargement. Ce sera des rebuts de batteries d'auto, dans le New Jersey. Ça adonne bien, le pont George-Washington est gratuit pour sortir! Et il donne au centre du New Jersey. Je cherche tant bien que mal la ville sur le bon vieil atlas en papier. Pas de chance, c'est trop petit! Le chinois me fait comprendre que je suis vide. Je vais donc chercher les papiers signés, et je m'avance, laissant le quai au dernier camion... D'ailleurs, il y en a un qui est parti entretemps... louche!

Je vais voir à pied pour constater qu'il sera impossible de me stationner dans la rue. Là, elle est pleine des deux côtés! Je reste donc dans l'entrée, ben, en fait, dans la sortie. J'envoie un message au bureau afin d'avoir les directions. En peu de temps, Marc-André me rappelle.
- Tu sais comment sortir de là?
- Oui... vas-y à partir de la I-95, genre...
- Ok... Prends la I-95 sud, sortie 8A. Tu colles à gauche pour la route County 612, qui s'appelle aussi Forsgate Drive. De là, tu tournes à droite sur Applegarth, tu roules jusqu'au 332 et voilà, le client est là.
- Merci!
Hé ben, même pas compliqué! Des fois, le New Jersey, c'est bizarre... Ça a été bâti avant les remorques de 53 pieds... même avant les 48 et 45... On arrive peut-être au temps des 40 pieds! Bref, c'est serré, et personne ne veut vraiment de camion semi-remorque sur son stationnement... Parfois même les relais! Je me souviens d'un endroit où, stationner entre les pompes, la remorque était encore presque dans la rue... Je me souviens aussi de la fois où je suis allé chercher un conteneur en dessous de l'autoroute, en face de l'aéroport d'où atterri ou décolle un avion par trente secondes. Si vous y êtes déjà allé, vous savez où. Difficile à expliquer, et encore plus difficile de si rendre! Bref, le New Jersey, une visite et vous êtes marqué à vie.

C'est donc l'heure du départ pour la grande sortie de la Grosse Pomme. Je retourne à l'autoroute I-678, que cette fois je prends vers le nord. Un instant plus tard, de retour au pont Bronx-Whitestone : trente-cinq piasses encore. Dès la sortie du péage, voici la I-95, que je prends sud mais qui va vers l'ouest (c'est comme à Montréal : ne vous fiez pas à la boussole!

Là, à onze heures, la circulation est à son plein potentiel! Alors, nous nous suivons tous à la queue leu leu... Il y a du monde à la messe, et il semble que la messe soit au New Jersey! J'observe de tous les côtés. Mais le Bronx, ce n'est pas Manhattan! Même l'architecture est sombre...

Puis, l'autoroute devient un espèce d'échangeur incroyable, le même que j'ai pris le matin... Cette fois, je poursuis mon chemin, droit devant. Arrive ensuite les sections en tunnel. Là encore, je ne mettrais pas ma main sur le toit de la remorque! En approchant le pont George-Washington, les indications disent de garder les deux voies de gauche, afin de rouler sur le dessus du pont.

Je suis les indications pour la I-95 sud, qui vite deviendra le New Jersey Turnpike, l'autoroute à péage. Je m'arrête à la deuxième halte routière. Je me procure un café chez Starbuck. Comme c'est chou, je peux le sucrer avec du miel!

Je reprends la route pour quelques autres sorties. Arrive la 8A. Je sors, paie mon passage : un autre vingt-six piasses! La sortie prend ensuite effectivement deux directions. Et l'une d'elles repasse par dessus l'autoroute. L'autre fait un demi-tour et donne sur un quartier industriel. Je lis donc les deux pancartes, à la recherche de la County Road 612 ou de Forsgate Drive. Rien. RI-EN de ça... une route US, une route NJ, une autre County Road, mais pas ce que je cherche! Tout ceci se passe en quelques secondes, alors que je suis à ramasser mon reçu et mon change... Donc, étant dans la voie du centre, me voici dans le demi-tour. J'observe les noms de rue, les numéros, rien n'y fait. J'ai évidemment pris le mauvais côté en premier! Bon, je tente quand même de suivre à peu près les directions, des fois que... Au moins, c'est un quartier industriel, je ne suis pas trop un extra-terrestre! Mais je n'ai ni endroit pour me stationner, ni dépanneur ou relais ou m'informer. Et l'heure avance... on m'a dit « avant quinze heures ». Et comme je suis un vieux de la vieille, je sais que le bureau a tendance à raccourcir les journées du client. Ce qui fait que même à la dernière seconde, le client lui, en a encore pour une heure, alors il n'est pas fâché de nous voir arriver à « moins deux » pour charger un voyage complet!

À force de « encore un bout », de « on r'vire ici, ça passe » et de « me semble que ce coin-là est intéressant », je finis par voir un genre de dépanneur, entouré de camion sans leur remorque, sauf un de livraison, et avec plein d'affiches « camions interdits ». De toute évidence, les camionneurs ne savent pas lire! Heureusement, il y a un genre d'accotement sur la petite rue. Je m'y stationne derrière un autre qui a eu la même idée. Et je marche jusqu'au dépanneur.

Et je marche... J'arrive à l'intérieur, je cherche la carte sur le mur. Bon, un autre signe que je suis vieux. Dans mon temps, chaque dépanneur, surtout près de New York ou d'autres grosses villes, avait une carte sur un mur. Souvent à l'intérieur, mais aussi parfois directement dehors! Parce que plus la ville est grosse, plus les gens viennent de loin pour travailler, alors tout bon camionneur a une histoire du gars à qui il s'est informé, qui n'avait jamais entendu parler de ça, pis que finalement, c'était la rue à côté et l'usine a genre plus de mille employés (on ne peut pas la manquer)! Mais le gars en question reste tellement loin (bon, chez les américains, « tellement loin » ne veut pas toujours dire la même chose que chez nous : ça peut être l'état voisin, mais souvent le conté voisin)...

Je constate qu'en ces temps de cellulaires, un téléphone public, ça n'existe plus... et je commence à me demander si en ces temps de GPS inclus dans les automobiles et dans les téléphones plus intelligents que leurs propriétaires, et tant qu'à y être d'Internet un peu partout, si il reste des bonnes vieilles cartes impossible à replier pour les mononcles! Ah oui, elles sont là. Je sors le livre de la région. Trouve la sortie 8A, fouille autour, trouve la County Road 612 et Forsgate Drive, ainsi qu'Applegarth Road, la rue de mon client. Comment ai-je pu manqué tout ça, c'est tellement proche de la sortie?

Je localise à peu près où je suis. Voilà... on y va par là, là et là, on fait des be-byes à la sortie, on arrive pile là où il le faut. Bingo! Go! Go! Je me dessine un plan, parce que je n'ai pas de mémoire, puis je retourne au camion. C'est un départ... et il me reste quinze minutes!

Je passe près de tourner à la mauvaise place, puis je me souviens que je devais foncer en ligne droite. Ce n'est pas le temps de se mélanger! Arrive la sortie, je passe par là, tiens, c'est à « colle toi à gauche » où j'ai manqué. Maudit caca! Ça m'apprendra à suivre les numéros de routes...

L'affiche qui dit que c'est la County Road 612 est de l'autre côté de l'autoroute, là où ladite route commence! Ah, évident, ben sur! Je tourne à droite sur la rue de mon client. Un petit bout plus loin et, voilà! Mon client : une compagnie de camions. Je me stationne là où je ne suis pas trop dans le chemin, et je vais à la rencontre de l'expédition. Un beau Peterbilt de la compagnie Guilbeault est à se reculer au quai.

Nous avons tous les deux un chargement de vieilles batteries d'automobiles. À la suite de monsieur Guilbeault, je remplis la feuille avec mes données et numéros, puis on me donne un quai. Je retourne donc chercher mon camion. Alors que je manœuvre pour reculer, un zouf local (qui amène les batteries) prend tout l'espace qu'il peut et commence à reculer. Là, wo! Il l'a su en tabarnak... et même si il n'a pas compris tous les mots en français, je suis sûr qu'il a saisi le message! Il m'a donc laissé reculer en premier. Pas que je lui volais une place, ni vice versa, il restait trois quais... mais est-ce que je peux avoir deux minutes pour procéder? Ah, les gars de ville payer à l'heure, toujours les plus pressés!

Alors que je cherche un moyen de contourner l'eau afin de retourner à l'intérieur, l'ami Guilbeault me dit :
- Attends une minute, je vais m'avancer...
- Quoi, tu es déjà charger?
- Oui!
Hé ben, je me demande si ça fait dix minutes que je suis là... Des fois, les clients sont efficaces! Une fois à l'intérieur, je vais vérifier si j'ai tous les papiers, et ensuite si tous les autocollants sont en place sur les palettes. Car des vieilles batteries, ça passe comme matière dangereuse au Québec et au Canada, mais pas aux États-Unis. Il faut donc être doublement vigilant. Les déchets et rebuts de toute sorte ne sont pas des matières dangereuses pour les américains! Les placards, à apposer sur les quatre faces de la remorque me seront remis chez le courtier en douanes, tout juste de l'autre côté de la frontière.

En peu de temps, je suis moi aussi chargé. Le client m'explique qu'ils n'ont pas de fax, car ça ne fait que quelques jours qu'ils ont emménagé... Bon, ça ira plus loin plus tard. J'avise Lori que je suis chargé et que le fax ira à plus tard, et me voilà reparti. Je prépare mon souper dans le réchaud, en me disant que je trouverai bien un endroit pour le manger. Hmmm, un habitué de ce coin ne fait jamais ça, mais bon, je suis aventureux!

Je fais un petit bout sur le New Jersey Turnpike, pour un peu plus de deux piasses, puis je sors pour la I-287, qui contourne en quelque sorte la ville de New York et ses banlieux jerseyenne. L'heure étant au souper, la circulation est très dense, à pas de tortue. Mon repas est vite prêt, mais je ne suis pas encore très loin. Je pourrais presque le manger en roulant, tellement nous roulons lentement! Mais ce n'est pas mon genre... « Quand je n'aurais plus le temps de manger (et sa conséquence : chier, désolé...) et dormir, même que quelques heures, alors, je retourne chauffer un « lift » dans une « shop »! »

Tiens, une balance... fermée. Je tasse à droite, et au moment où je suis suffisamment entré pour ne plus pouvoir sortir (évidemment!), je constate qu'il y a un camion arrêté juste avant la plaque, et à ses côtés une auto-patrouille. Bon, n'essayez pas ceci à la maison, mais mon registre n'est pas encore tellement présentable, surtout qu'eux savent bien qu'on a en notre possession toute une lignée de reçus, peu importe d'où l'on arrive... Il ne faut donc pas que je me fasse vérifier. Je suis donc presque cuit. Je vois le chauffeur qui va de son camion à l'auto-patrouille... et encore... et encore, chaque fois il ramène un papier, un permis ou quoi encore? Je pense à reculer jusqu'à l'autoroute, mais bon, pas devant l'agent, quand même... J'attends donc, et je me croise tout ce que j'ai de doigts, orteils inclus!

On va à New York! - Partie 1


J'étais arrivé par un beau lundi matin. Je m'étais rendu, enfin, au garage. En effet, je devais me rendre depuis maintenant trois semaines afin de faire installer mes pneus pour l'hiver, mais surtout faire effectuer le changement d'huile. Passe encore pour les pneus, l'hiver n'étant pas encore, à ce moment-là, débuter, mes vieux presque-fesses pouvaient encore me rendre de bons services. Pour le changement d'huile, en ajoutant environ quatre à cinq milles kilomètres au compteur chaque semaine, je dépassais de plus en plus la limite normale, fixée chez nous à trente milles kilomètres pour les camions parcourant les États-Unis. Notez que le réservoir contient environ quarante litres d'huiles. Et qu'un changement aux trente mille kilomètres arrivent à peu près aux six à huit semaines dans mon cas.

Le samedi suivant, nous avions un souper pour le quatre-vingtième anniversaire de naissance de Tante Anna. Anna est pour ainsi dire la deuxième mère de Caro (la première, Brenda, étant décédée alors que Caro avait six ans). Je me devais donc d'y être sous peine de me faire littéralement (et probablement physiquement) arracher la tête... Il me fallait donc arranger mon horaire en conséquence, ce que nous avons tout le loisir de faire chez TJB (en autant que vous avez le moindrement d'expérience chez nous).

Par contre, arrivant un lundi, il faut ben prendre le mardi de congé (ce qui laissera aussi le temps au garage de faire son travail), et pour être de retour vendredi soir au plus tard, il ne reste pas trop longtemps pour la semaine de travail! Jean-Luc, le répartiteur, me dit, semi-blagueur :
- J'ai un Whitestone, NY...
N'ayant aucune limite, je demande :
- C'est près de où, de quelle ville qu'on connaît? (parce que c'est grand, l'état de New York)
- Ben, New York là...
Ah, un New York en ville... bon, je lui laisse le bénéfice du doute, car il a l'air blagueur et que d'ici à demain en fin de journée, il coulera ben de l'eau au dessus des ponts (adaptation saguenéenne du proverbe). Je ne suis pas contre, parce que les autres qui y sont allé nous ont confirmé que « ça va ben, on peut même coucher chez tous nos clients » (on en a quatre ou cinq différents). Mais disons que ça me tarabiscote un peu. Drôle de sentiment (mais vraiment rien pour refuser un tel voyage, comprenons-nous bien)... Disons que ce sont des voyages dont beaucoup de chauffeurs ne veulent même pas entendre parler, au point de sortir les menaces de quitter la compagnie.

Après une bonne mise à jour du potinage, Martin me remet les clefs du nouveau Sebring et me fait signer les documents requis. C'est nouveau, mais bon, mon concessionnaire fait la même chose lorsqu'il me prête un véhicule. Je peux donc retourner à la maison pour la durée de mon congé.

Dans la journée de mardi, Jean-Luc m'envoie un message disant que « ça va marcher pour Whitestone »! J'en profite pour aller voir où se situe cette ville sur Google Maps. C'est effectivement dans le Queens de New York. Mais j'ai toujours un doute à savoir si le beau Jean-Luc me pousse une blague ou ben si il me donnera vraiment ce voyage. En même temps, comme c'est le genre de voyage dont personne ne veut, il ne lâchera pas son poisson si facilement!

Le mercredi matin, j'ai commis une erreur. En fait, sur le coup, je ne le savais pas encore. Je suis parti de tôt matin, étant donné que ça me prend un minimum de deux heures pour me rendre au bureau (plus les délais de la circulation et des travaux). Pour une fois, le voyage s'est très bien déroulé. Je suis arriver au bureau vers onze heures... Le problème, c'est que Martin et son équipe n'avait pas terminé les travaux. En cour de route, ils ont découvert d'autres besoins, comme le système antipollution (quoi, ce n'était pas déjà fait?) et un roulement de roue, entre autre.

Normalement, le plan était que je prenais mon camion, je retournais à Montréal-Est afin de ramasser ma remorque pour Whitestone. Devant l'ampleur des travaux, Martin et Jean-Luc ont fini par décider de me faire amener ma remorque au garage par un autre chauffeur, me permettant ainsi de partir quelques heures plus tard sans créer de problème d'horaire.

J'ai eu une invitation du patron à dîner sur le champ. Bon, ce sera ça de pris! Nous avons pu placoter de tout et de rien. Et revoir Madame Chose, une des serveuses que je n'avais pas vu depuis le temps où je restais juste en face du restaurant. Elle s'est informé de la santé de Sarah, ce qui m'a fait chaud au cœur : j'aime bien lorsque je laisse une certaine impression là où je passe régulièrement...

J'ai fini par recevoir mon camion à seize heures trente! Ouf... et en plus, le roulement de roue qui coule légèrement n'a pas pu être réparé (ce qui n'est pas bien grave, rassurez-vous), parce que mes essieux sont extra-terrestres et que les concessionnaires des environs n'en ont pas sur les tablettes. Ce fut la même chose lorsque nous avons chercher des enjoliveurs de bout d'essieux. Introuvable!

Restait à attendre la remorque. Tout ce temps m'a permis de mettre à jour tous mes papiers. Je me suis ensuite rendu dans le camion. En ouvrant l'ordinateur, j'ai constaté qu'il y avait désormais une connexion Internet de disponible dans les bureaux et dans une partie de la cour. Hé ben, avoir su...

La remorque arriva vers dix-neuf heures trente! Le chauffeur la décrocha au beau milieu de la cour, où j'ai pu aussitôt la raccrocher. Après une dernière visite à la salle de bain, j'ai pu enfin partir! Dire que j'étais arrivé huit heures plus tôt... De là mon erreur citée plus haut : j'aurais normalement dû téléphoner à Martin dès le matin afin de savoir où il en était rendu. J'aurais alors appris que je pouvais prendre mon temps.

Une heure plus tard, j'arrivais à la douane de Champlain, NY. Je n'y passe pas très souvent, mais le réaménagement (il y a maintenant quelques années) en a fait un des ports d'entrée les plus efficaces, qu'il est très agréable de fréquenter. Par contre, d'une visite à l'autre, je ne suis jamais vraiment certain de la façon de procéder.

Comme j'étais presque seul, et grâce à mon visage d'honnête homme, je suis passé en un rien de temps. Je me suis un temps demandé si c'était l'heure du café dès le relais chez (derrière en fait...) Champlain Peterbilt, à la première sortie de la I-87. Bah, je peux bien me rendre à Wilton! Je suis donc parti à toute vapeur. Littéralement, car pour une rare fois, j'ai mis le « pied dans la bolt », au fond, mon Léon. Je me suis dit qu'à l'heure où j'ai pu partir, avec une heure de livraison pour neuf heures le lendemain matin après huit heures de conduite, en tenant compte de la circulation de New York, je n'avais pas de temps à perdre.

J'ai donc réglé le régulateur de vitesse, dont je ne me sers plus en temps normal, à 104 kilomètres-heures, et j'ai laissé aller la bête. Mon gros Cummins a ronronné comme rarement, et j'ai observé la consommation descendre (en mille au gallon, plus le nombre est élevé, moins le camion consomme). Ça m'a fait un drôle de sentiment, mais l'heure était grave, il y avait urgence!

Deux heures et quart plus tard, un record pour moi, j'entrais à Wilton, NY. Je me suis dit que j'avais bien mérité un petit repos. Après avoir évalué mon horaire, j'avais un bon trois heures devant moi pour me reposer, ce qui devrais me faire arriver chez le client vers sept heures, sans compter la circulation. Mais bon, à cette heure-là, ça ne devrait pas trop causer de problème! Une fois le cadran réglé, je me suis laissé tomber dans les bras de Morphée...

Au réveil, je suis entré à l'intérieur pour ramasser un café. Ensuite, sur la route afin de me rendre dans la Grosse Pomme. Et il me restait un bon bout de chemin avant d'y arriver. À commencer par une demi-heure sur l'autoroute vers Albany, que j'ai contourné par la route NY-7 est à la sortie 7, qui m'amena à la I-787 longeant la rivière Hudson.

Une petite parenthèse : je viens d'apprendre récemment (peut-être que je n'avais pas allumé) que la rivière Hudson (prononcer à l'anglaise : Ode-sonne) qui coule entre le lac Champlain et la ville de New York, et la baie d'Hudson (prononcer à la française : Hude-son) ont été nommé tous les deux en l'honneur de l'explorateur

La I-787 est selon moi une belle route, qui longe donc à l'est la rivière et à l'ouest la ville d'Albany, que l'on ne fera qu'effleurer en continuant sur la I-87. Ce faisant, on arrive à l'autoroute à péage un peu plus loin, ce qui nous fait économiser (à la compagnie) un gros deux piasses! J'ai roulé sur ladite autoroute jusqu'à la halte de Modena, NY, soit la dernière avant de payer les frais (à la sortie). Je remarque que le Sylvester & Forget stationné à la première place à l'entrée allume ses lumières au moment où je passe derrière lui. Je me stationne plus loin, prenant la place d'un autre camion qui quitte au moment où j'arrive. C'est l'heure de la visite à la salle de bain.

À ma sortie, il est autour de cinq heures du matin. Le Sylvester & Forget est parti. Je pars à mon tour. Quelques minutes plus loin, le péage m'attend : un premier vingt-six piasses y passe. Un peu plus loin encore arrive la halte qu'on appelle directement Le Ramapo, là où tout le monde qui va à New York ou dans le nord du New Jersey tente de passer la nuit, mais où il n'y a pas de place en partant. Ça manque de relais dans ce coin-là...

Et c'est là que la nouveauté arrive : au lieu de prendre la I-287 sud comme toujours, je continue mon chemin sur la I-87 en direction, selon les affiches, du pont Tappan Zee! Tu parles d'un nom pour un pont. Ce dernier est le pont le plus au nord qui mène à la ville de New York, en passant par les Yonkers, puis entrant par le Bronx. Wou hou... ça promet! Comme tous les ponts là-bas, il est à péage : un trente-cinq piasses qui part.

La route suit son cours à travers les vallons, puis redevient un bout de route à péage. Un autre six piasses par là... Puis arrive la grande ville. Encore un bout de I-87. Puis, la I-95 nord (qui en fait va plutôt vers l'est). Finalement, la I-678 sud, qui m'amène au pont Bronx-Whitestone qui, comme son nom l'indique, fait le lien entre le Bronx et... Whitestone, là où je vais! Un autre trente-cinq piasses. Puis, la deuxième sortie est la mienne. Il est maintenant presque sept heures, et la circulation commence à être dense. J'espère seulement que je pourrai manœuvrer sans trop de problème. En ville, les automobilistes prennent chaque demi-centimètre qu'ils peuvent, alors parfois c'est assez acrobatique. Mais bon, on est fait fort.

Je remarque juste à temps que ma sortie a deux voies pour tourner à droite, et que les camions sont mieux de prendre la voie du centre pour ce faire, car le coin est assez carré. Heureusement, lorsque j'ai le feu vert, l'automobiliste « dans les jambes » me fait le bonheur de se tasser un peu, me laissant le poil de cul qu'il me manquait pour tourner. Je monte quand même un peu sur le trottoir, puis me colle à celui-ci dans la voie de droite. Tout en poursuivant, j'observe partout car mon client, un journal chinois, devrait être le deuxième bloc sur la droite. Voilà, c'est bien cela... mais par où y entre-t'on?

Je prends la rue suivante et, magie, deux autres camions y sont stationnés. Je suis sur une bonne piste! Je me stationne « où je peux » (ça, c'est la façon new-yorkaise de faire les choses en camion), et je pars à pied à la recherche des quais (parce que du côté de la rue, il n'y en a pas). J'ai bien tenté de voir quelqu'un de vivant par la porte qui était ouverte, mais pas l'ombre d'un chinois à l'intérieur. À l'arrière, je constate qu'un camion est à un quai les portes fermées, que mon ami Sylvester & Forget est aussi là. Je vais le voir afin de savoir si par où est-ce qu'il est entré. Je n'ose croire qu'il a reculer jusque là. Ben non qu'il me dit, ça fait le tour par en dessous du « car port » indiqué à douze pieds six! Il faut savoir que l'état de New York a longtemps indiqué ses hauteurs de ponts à partir de l'essieu... donc, on peut ajouter un pied et ne pas trop se tromper. Mon ami (he-hum, me semble...) me demande si j'ai dormi au « Modena ». Non, mais j'y ai déféqué... lui répond-je. Bon, enfin, ça voulait dire ça!

Je serai donc le troisième à décharger. Je retourne donc à mon camion. Je commence par avancer les essieux de ma remorque au maximum, afin de tourner le plus possible sur un dix cennes (à faire au dernier arrêt, genre au « Modena », la prochaine fois) et aussi, vu le creux où je dois passer, de simuler un abaissement de ma remorque. J'avance ensuite au bout de la rue, qui fait un mini-rond-point. Je tente d'y tourner... mais sans succès. Trop petit! Je dois donc reculer... et c'est là que je goûte aux automobilistes des grandes villes. Non mais, laissez-moi deux ou trois pouces et deux minutes que je « claire ma marde »... Bon, voilà! Me voici à reculons. Je dois faire la longueur de la rue, soit une dizaine de longueurs de camion. Il y a qu'au bout de la rue, là où j'essayais de tourner, se trouve l'entrée d'une école de mécanique auto. Les futurs mécanos, au volant de leurs bolides montés, arrivent en trombe et ont bien hâte de rentrer à l'école. L'un d'eux à même fait un bout sur le trottoir afin de me contourner! Je vous le dit, il faut des yeux tout le tour de la tête.

J'arrive bientôt au bout de la rue. Il reste tout juste assez pour que la remorque ne soit pas sur l'autre rue, la vraie, c'est qui vient directement de l'autoroute. Je repars vers l'avant, et je tourne sur ma droite dans l'entrée, sous le toit... Alors que je passe sous ledit toit, un chinois surveille afin que je n'accroche rien. Bon, j'imagine que c'est fait pour ça, bien que ça dise « douze pieds et six »... Ça passe, mais je n'aurais pas mis ma main sur le toit de la remorque! Et à l'arrière, ça tourne de justesse, vu la Caravan qui est stationnée dans la courbe. Et comme de raison, à mesure que les employés arriveront, de plus en plus de voitures se stationneront là où il ne faudrait pas (c'est New York après tout)!

Après avoir lâché un bon « ouf », je vais me stationner derrière le Sylvester & Forget afin de garder mon rang. Je peux maintenant déguster mon dîner, prêt depuis quelques minutes. Belle heure pour dîner, me direz-vous? Alors je vous répondrai que deux heures est une maudite belle heure pour se réveiller aussi... L'un amène l'autre! La joie de partir trop tard pour trop loin trop pressé. Une chance que ce n'est pas toujours comme ça...

Quelques minutes avant neuf heures, le camion au quai les portes fermées s'avance, ouvre ses portes et recule à nouveau au quai. Voilà, c'est parti! Assez rapidement, les cinquante-quatre rouleaux de papiers sont sorti de la première, puis de la deuxième remorque. À mon tour maintenant. Avant de quitter, le chauffeur de Sylvester & Forget me dit qu'on lui a dit qu'il faudrait, normalement, entrer par la sortie et se retourner dans le stationnement des automobiles. Je classe ça dans le pétage de broue (ce serait impossible même en automobile de le faire, tsé genre... À mon âge, on ne m'en passe pas des vites de même...

Je prends donc position au quai, de biais comme de raison, car il ne faut pas que ce soit trop facile. Bon, c'est quand même un beau biais, car nous avons tous réussi du premier coup. Ça doit être un biais idéal! Mon seul problème est que je n'ai toujours pas de connexion Internet. Ils ne sont pas fous, les new-yorkais, les connexions sont toutes barrées!

4 novembre 2011

Des débuts fracassants! - Partie 1

On m'avait demandé d'écrire le récit de la naissance de Sarah, et surtout de son opération. Alors voilà... Bon, en fait, peut-être que je radotte (au sens que mon blogue a peut-être déjà vu ses touches se faire taper ainsi), mais disons que j'ai tout plein de nouveaux lecteurs, alors certainement que vous aprécierez.

Un beau jour, nous étions enceinte. La date de livraison (pour rester dans le langage du transport) était prétenduement au début de février 2003. Huit ans plus tard, on va dire que j'ai oublié la date exacte. ;)

Normalement, je ne travaille jamais entre les fêtes de Noël et du Jour de l'An. Mais cette fois-ci, comme nous ne sommes pas milionaires et que "dans mon temps", les congés parenteaux, ce n'était même pas inventé, j'avais décidé de travailler quand même afin qu'il reste un peu plus de budget pour le congé de la naissance. Pour tout dire, on avait un petit bas de laine, et le congé donnait droit au chômage, donc la moitié de mon salaire habituel. Nous avions décidé de combler la différence de salaire manquant avec ledit bas de laine, et que lorsqu'il serait vide, alors je retournerais au travail.

Je suis donc parti pour un voyage en Caroline du Sud, je crois le 25 ou le 26 décembre. Il y a une journée et demi de route pour m'y rendre. Dans un monde idéal, il était même presque possible que je sois de retour pour le traditionnel souper du Jour de l'An de la famille de Caro... et comme c'était elle (nous, mais bon, on s'entend que la force de la famille pour la cuisine et l'organisation d'événement, c'est elle) qui recevait (dans une salle louer, mais vous voyez le travail...). La "petite" gang qui vient pour le souper est d'environ 75 personnes, pour donner une idée de l'ampleur de la tâche. C'est un peu moins que la moitié de la famille...

Donc, je fais un bout la première journée, et un premier dodo. Le deuxième jour, alors que je commençais à me dire que de faire un dodo serait bien, autour de vingt-deux heures, le téléphone sonne:
- Chérie, qu'est-ce que ça fait quand on crève les eaux?
Notons que nous avions fait les cours pré-nataux ensemble, mais avions retenu les bouts différents, donc souvent, je me souvenais de ce qu'elle avait oublié, et vice-versa.
- Ben, un gros dégât???
Non mais est-ce que je sais moi, c'est mon premier enfant autant qu'à elle. On dit qu'il y a tellement d'eau, je me suis dit que ça faisait surement un beau lac.
- Appelle Êve, j'vais à l'hôpital!
Êve, c'est la conjointe de mon patron. Et comme moi je ne suis jamais là, elle nous avait offert de servir de père en cas de "problème" si je me trouvais sur la route. Et elle était bien placé pour le savoir, c'était ma répartitrice...

Donc, le travail était parti. Cinq semaines avant ladite date! Ouf! Il me restait deux heures environ avant d'arriver chez mon client et, magie, je ne m'endormais plus du tout. Je me suis donc rendu jusqu'à destination. Je suis arrivé vers minuit. Évidemment, difficile de fermer l'oeil. Vers une heure, le téléphone sonne. C'est Êve:
- C'est fait, la maman et le bébé se porte bien... elle t'appelle aussitôt que a repris ses esprits un peu.
Je n'avais pas vraiment réalisé, mais entre l'appel du début, à la maison, et celui-ci, seulement  deux heures se sont écoulé... et il y a trente minutes de route, pis Êve n'est certainement pas arrivé à la maison en deux minutes!

Bref, c'est allé vite en mausus. Vrai qu'on savait que Sarah était en siège. Et que normalement, le lundi suivant, on devait décider, avec le gynéco, qu'est-ce qu'on va faire avec ça. Donc, comme on le savait, le doc n'a pas laissé Caro forcer pendant des jours et des jours... Ce fut plus "hop, une césarienne"!

Vers deux heures, la nouvelle maman m'appelle. Elle m'apprend que j'ai une belle petite fille, que tout c'est bien passé, etc. On jase un peu de tout ça, on est heureux, on se souhaite bonne nuit.

Le lendemain, nous étions plusieurs à livrer chez ce client. Mais comme la répartitrice était au courant de la nouvelle de la nuit (c'est Êve, si vous avez suivi...), je suis un peu passé devant les autres... et je fût l'un des deux qui eut la chance de recharger au même client. Bon, ça a prit pour ainsi dire toute la journée, mais au moins, ce n'était pas trop difficile à trouver le client.

Le premier janvier, j'arrivais enfin au bureau. Je suis sauté littéralement dans l'automobile afin d'aller rencontrer mes deux femmes. Évidemment, le gros de la visite était passé le 30 et le 31 décembre. Le docteur Maya Marc, pédiatre en devoir à ce moment là, était venu voir Sarah pour lui faire les tests de routine afin de lui donné son congé pour le lendemain. Elle avait entendu une légère anomalie dans le battement de cœur de Sarah. À ce moment, elle nous avait recommandé d'aller la faire examiné "d'ici quelques semaines" à Sainte-Justine. Elle revint nous voir après avoir constaté que Sarah avait perdu plus de poids que la normale pour un nouveau-né. Nous devions maintenant aller dès le lendemain à Sainte-Justine. Je vous rappelle que le lendemain est le 2 janvier, une journée fériée, où tout le personnel non-essentiel est en congé!

Cette nuit-là, j'étais littéralement vidé. L'air de rien, l'émotion avait drainé beaucoup d'énergie. Et déjà que mon travail de camionneur en est un passablement exigeant. Je pourrais dire que j'étais exténué même! Mais sur l'adrénaline, on ne s'en rend pas compte.

À l'Hôpital Anna-Laberge, l'unité des naissances était à l'époque l'une des plus récentes du Québec. Tout y était donc aménagé avec la famille (papa inclu) en tête. Je pouvais donc y dormir sur un matelas. Bon, on est loin du cinq étoiles, mais c'est mieux que d'être obligé de retourner à la maison.

Par contre, pendant la nuit, me v'là tu pas pris de la gastro-entérite. Oui oui, le gros kit, tant qu'à être malade! Mon oncle a toujours dit qu'"un hôpital était une belle place pour pogner des maladies". Je n'allais vraiment pas... au point de me rendre à l'urgence! Bon, après avoir été tout croche en attendant le triage, j'ai demandé à me faire appeler lorsque mon tour sera venu, vu que j'étais au "nouveau-né".

Au milieu de la nuit, je fus appelé. Je retournai donc à l'urgence, ou l'on confirma que c'était une gastro, et que en présence d'un nouveau-né, j'étais mieux de retourner à la maison afin de ne pas la lui transmettre. Je me suis réétendu pour ce qu'il restait de nuit. Ma Caro, toujours dévouée, m'a même prêté le lit d'hôpital! Je précise ici qu'elle est "dur sur son corps" et que tant qu'à elle, elle serait retourné à la maison dès le matin de la naissance!

Alors que je me ré-endormais, j'entends Caro au téléphone qui demande à sa soeur si elle peut l'accompagner à Sainte-Justine, vu que "le nouveau papa est hors d'usage pour la journée". Lorsqu'elle a raccroché, je dis:
- Tu viens toujours ben pas d'appeler ta sœur à c't'heure là?
- Ben oui, ma soeur, c'est une lève-tôt!
- Lève-tôt, lève-tôt, de là à l'appeler à 4 heures du matin, y'a toujours ben un bout!
- En tout cas, elle va venir avec moi...
Ben oui, mais vers 7-8 heures, ça aurait fait pareil! J'ai fini par m'endormir un peu, presqu'assis dans le lit d'hôpital.

Lorsque je me suis réveillé, je suis parti pour la maison. Un peu plus tard, Brigitte arriva pour amener mes deux femmes à l'Hôpital Sainte-Justine.