Comme à l'habitude, je reçois mon
message pendant le déchargement. Ce sera des rebuts de batteries
d'auto, dans le New Jersey. Ça adonne bien, le pont
George-Washington est gratuit pour sortir! Et il donne au centre du
New Jersey. Je cherche tant bien que mal la ville sur le bon vieil
atlas en papier. Pas de chance, c'est trop petit! Le chinois me fait
comprendre que je suis vide. Je vais donc chercher les papiers
signés, et je m'avance, laissant le quai au dernier camion...
D'ailleurs, il y en a un qui est parti entretemps... louche!
Je vais voir à pied pour constater
qu'il sera impossible de me stationner dans la rue. Là, elle est
pleine des deux côtés! Je reste donc dans l'entrée, ben, en fait,
dans la sortie. J'envoie un message au bureau afin d'avoir les
directions. En peu de temps, Marc-André me rappelle.
- Tu sais comment sortir de là?
- Oui... vas-y à partir de la I-95,
genre...
- Ok... Prends la I-95 sud, sortie
8A. Tu colles à gauche pour la route County 612, qui s'appelle
aussi Forsgate Drive. De là, tu tournes à droite sur Applegarth,
tu roules jusqu'au 332 et voilà, le client est là.
- Merci!
Hé ben, même pas compliqué! Des
fois, le New Jersey, c'est bizarre... Ça a été bâti avant les
remorques de 53 pieds... même avant les 48 et 45... On arrive
peut-être au temps des 40 pieds! Bref, c'est serré, et personne ne
veut vraiment de camion semi-remorque sur son stationnement...
Parfois même les relais! Je me souviens d'un endroit où, stationner
entre les pompes, la remorque était encore presque dans la rue... Je
me souviens aussi de la fois où je suis allé chercher un conteneur
en dessous de l'autoroute, en face de l'aéroport d'où atterri ou
décolle un avion par trente secondes. Si vous y êtes déjà allé,
vous savez où. Difficile à expliquer, et encore plus difficile de
si rendre! Bref, le New Jersey, une visite et vous êtes marqué à
vie.
C'est donc l'heure du départ pour la
grande sortie de la Grosse Pomme. Je retourne à l'autoroute I-678,
que cette fois je prends vers le nord. Un instant plus tard, de
retour au pont Bronx-Whitestone : trente-cinq piasses encore.
Dès la sortie du péage, voici la I-95, que je prends sud mais qui
va vers l'ouest (c'est comme à Montréal : ne vous fiez pas à
la boussole!
Là, à onze heures, la circulation est
à son plein potentiel! Alors, nous nous suivons tous à la queue leu
leu... Il y a du monde à la messe, et il semble que la messe soit au
New Jersey! J'observe de tous les côtés. Mais le Bronx, ce n'est
pas Manhattan! Même l'architecture est sombre...
Puis, l'autoroute devient un espèce
d'échangeur incroyable, le même que j'ai pris le matin... Cette
fois, je poursuis mon chemin, droit devant. Arrive ensuite les
sections en tunnel. Là encore, je ne mettrais pas ma main sur le
toit de la remorque! En approchant le pont George-Washington, les
indications disent de garder les deux voies de gauche, afin de rouler
sur le dessus du pont.
Je suis les indications pour la I-95
sud, qui vite deviendra le New Jersey Turnpike, l'autoroute à péage.
Je m'arrête à la deuxième halte routière. Je me procure un café
chez Starbuck. Comme c'est chou, je peux le sucrer avec du miel!
Je reprends la route pour quelques
autres sorties. Arrive la 8A. Je sors, paie mon passage : un
autre vingt-six piasses! La sortie prend ensuite effectivement deux
directions. Et l'une d'elles repasse par dessus l'autoroute. L'autre
fait un demi-tour et donne sur un quartier industriel. Je lis donc
les deux pancartes, à la recherche de la County Road 612 ou de
Forsgate Drive. Rien. RI-EN de ça... une route US, une route NJ, une
autre County Road, mais pas ce que je cherche! Tout ceci se passe en
quelques secondes, alors que je suis à ramasser mon reçu et mon
change... Donc, étant dans la voie du centre, me voici dans le
demi-tour. J'observe les noms de rue, les numéros, rien n'y fait.
J'ai évidemment pris le mauvais côté en premier! Bon, je tente
quand même de suivre à peu près les directions, des fois que... Au
moins, c'est un quartier industriel, je ne suis pas trop un
extra-terrestre! Mais je n'ai ni endroit pour me stationner, ni
dépanneur ou relais ou m'informer. Et l'heure avance... on m'a dit
« avant quinze heures ». Et comme je suis un vieux de la
vieille, je sais que le bureau a tendance à raccourcir les journées
du client. Ce qui fait que même à la dernière seconde, le client
lui, en a encore pour une heure, alors il n'est pas fâché de nous
voir arriver à « moins deux » pour charger un voyage
complet!
À force de « encore un bout »,
de « on r'vire ici, ça passe » et de « me semble
que ce coin-là est intéressant », je finis par voir un genre
de dépanneur, entouré de camion sans leur remorque, sauf un de
livraison, et avec plein d'affiches « camions interdits ».
De toute évidence, les camionneurs ne savent pas lire! Heureusement,
il y a un genre d'accotement sur la petite rue. Je m'y stationne
derrière un autre qui a eu la même idée. Et je marche jusqu'au
dépanneur.
Et je marche... J'arrive à
l'intérieur, je cherche la carte sur le mur. Bon, un autre signe que
je suis vieux. Dans mon temps, chaque dépanneur, surtout près de
New York ou d'autres grosses villes, avait une carte sur un mur.
Souvent à l'intérieur, mais aussi parfois directement dehors! Parce
que plus la ville est grosse, plus les gens viennent de loin pour
travailler, alors tout bon camionneur a une histoire du gars à qui
il s'est informé, qui n'avait jamais entendu parler de ça, pis que
finalement, c'était la rue à côté et l'usine a genre plus de
mille employés (on ne peut pas la manquer)! Mais le gars en question
reste tellement loin (bon, chez les américains, « tellement
loin » ne veut pas toujours dire la même chose que chez nous :
ça peut être l'état voisin, mais souvent le conté voisin)...
Je constate qu'en ces temps de
cellulaires, un téléphone public, ça n'existe plus... et je
commence à me demander si en ces temps de GPS inclus dans les
automobiles et dans les téléphones plus intelligents que leurs
propriétaires, et tant qu'à y être d'Internet un peu partout, si
il reste des bonnes vieilles cartes impossible à replier pour les
mononcles! Ah oui, elles sont là. Je sors le livre de la région.
Trouve la sortie 8A, fouille autour, trouve la County Road 612 et
Forsgate Drive, ainsi qu'Applegarth Road, la rue de mon client.
Comment ai-je pu manqué tout ça, c'est tellement proche de la
sortie?
Je localise à peu près où je suis.
Voilà... on y va par là, là et là, on fait des be-byes à la
sortie, on arrive pile là où il le faut. Bingo! Go! Go! Je me
dessine un plan, parce que je n'ai pas de mémoire, puis je retourne
au camion. C'est un départ... et il me reste quinze minutes!
Je passe près de tourner à la
mauvaise place, puis je me souviens que je devais foncer en ligne
droite. Ce n'est pas le temps de se mélanger! Arrive la sortie, je
passe par là, tiens, c'est à « colle toi à gauche » où
j'ai manqué. Maudit caca! Ça m'apprendra à suivre les numéros de
routes...
L'affiche qui dit que c'est la County
Road 612 est de l'autre côté de l'autoroute, là où ladite route
commence! Ah, évident, ben sur! Je tourne à droite sur la rue de
mon client. Un petit bout plus loin et, voilà! Mon client : une
compagnie de camions. Je me stationne là où je ne suis pas trop
dans le chemin, et je vais à la rencontre de l'expédition. Un beau
Peterbilt de la compagnie Guilbeault est à se reculer au quai.
Nous avons tous les deux un chargement
de vieilles batteries d'automobiles. À la suite de monsieur
Guilbeault, je remplis la feuille avec mes données et numéros, puis
on me donne un quai. Je retourne donc chercher mon camion. Alors que
je manœuvre pour reculer, un zouf local (qui amène les batteries)
prend tout l'espace qu'il peut et commence à reculer. Là, wo! Il
l'a su en tabarnak... et même si il n'a pas compris tous les mots en
français, je suis sûr qu'il a saisi le message! Il m'a donc laissé
reculer en premier. Pas que je lui volais une place, ni vice versa,
il restait trois quais... mais est-ce que je peux avoir deux minutes
pour procéder? Ah, les gars de ville payer à l'heure, toujours les
plus pressés!
Alors que je cherche un moyen de
contourner l'eau afin de retourner à l'intérieur, l'ami Guilbeault
me dit :
- Attends une minute, je vais
m'avancer...
- Quoi, tu es déjà charger?- Oui!
Hé ben, je me demande si ça fait dix
minutes que je suis là... Des fois, les clients sont efficaces! Une
fois à l'intérieur, je vais vérifier si j'ai tous les papiers, et
ensuite si tous les autocollants sont en place sur les palettes. Car
des vieilles batteries, ça passe comme matière dangereuse au Québec
et au Canada, mais pas aux États-Unis. Il faut donc être doublement
vigilant. Les déchets et rebuts de toute sorte ne sont pas des
matières dangereuses pour les américains! Les placards, à apposer
sur les quatre faces de la remorque me seront remis chez le courtier
en douanes, tout juste de l'autre côté de la frontière.
En peu de temps, je suis moi aussi
chargé. Le client m'explique qu'ils n'ont pas de fax, car ça ne
fait que quelques jours qu'ils ont emménagé... Bon, ça ira plus
loin plus tard. J'avise Lori que je suis chargé et que le fax ira à
plus tard, et me voilà reparti. Je prépare mon souper dans le
réchaud, en me disant que je trouverai bien un endroit pour le
manger. Hmmm, un habitué de ce coin ne fait jamais ça, mais bon, je
suis aventureux!
Je fais un petit bout sur le New Jersey
Turnpike, pour un peu plus de deux piasses, puis je sors pour la
I-287, qui contourne en quelque sorte la ville de New York et ses
banlieux jerseyenne. L'heure étant au souper, la circulation est
très dense, à pas de tortue. Mon repas est vite prêt, mais je ne
suis pas encore très loin. Je pourrais presque le manger en roulant,
tellement nous roulons lentement! Mais ce n'est pas mon genre...
« Quand je n'aurais plus le temps de manger (et sa
conséquence : chier, désolé...) et dormir, même que quelques
heures, alors, je retourne chauffer un « lift » dans une
« shop »! »
Tiens, une balance... fermée. Je tasse
à droite, et au moment où je suis suffisamment entré pour ne plus
pouvoir sortir (évidemment!), je constate qu'il y a un camion arrêté
juste avant la plaque, et à ses côtés une auto-patrouille. Bon,
n'essayez pas ceci à la maison, mais mon registre n'est pas encore
tellement présentable, surtout qu'eux savent bien qu'on a en notre
possession toute une lignée de reçus, peu importe d'où l'on
arrive... Il ne faut donc pas que je me fasse vérifier. Je suis donc
presque cuit. Je vois le chauffeur qui va de son camion à
l'auto-patrouille... et encore... et encore, chaque fois il ramène
un papier, un permis ou quoi encore? Je pense à reculer jusqu'à
l'autoroute, mais bon, pas devant l'agent, quand même... J'attends
donc, et je me croise tout ce que j'ai de doigts, orteils inclus!
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