11 novembre 2011

On va à New York - Partie 2


Comme à l'habitude, je reçois mon message pendant le déchargement. Ce sera des rebuts de batteries d'auto, dans le New Jersey. Ça adonne bien, le pont George-Washington est gratuit pour sortir! Et il donne au centre du New Jersey. Je cherche tant bien que mal la ville sur le bon vieil atlas en papier. Pas de chance, c'est trop petit! Le chinois me fait comprendre que je suis vide. Je vais donc chercher les papiers signés, et je m'avance, laissant le quai au dernier camion... D'ailleurs, il y en a un qui est parti entretemps... louche!

Je vais voir à pied pour constater qu'il sera impossible de me stationner dans la rue. Là, elle est pleine des deux côtés! Je reste donc dans l'entrée, ben, en fait, dans la sortie. J'envoie un message au bureau afin d'avoir les directions. En peu de temps, Marc-André me rappelle.
- Tu sais comment sortir de là?
- Oui... vas-y à partir de la I-95, genre...
- Ok... Prends la I-95 sud, sortie 8A. Tu colles à gauche pour la route County 612, qui s'appelle aussi Forsgate Drive. De là, tu tournes à droite sur Applegarth, tu roules jusqu'au 332 et voilà, le client est là.
- Merci!
Hé ben, même pas compliqué! Des fois, le New Jersey, c'est bizarre... Ça a été bâti avant les remorques de 53 pieds... même avant les 48 et 45... On arrive peut-être au temps des 40 pieds! Bref, c'est serré, et personne ne veut vraiment de camion semi-remorque sur son stationnement... Parfois même les relais! Je me souviens d'un endroit où, stationner entre les pompes, la remorque était encore presque dans la rue... Je me souviens aussi de la fois où je suis allé chercher un conteneur en dessous de l'autoroute, en face de l'aéroport d'où atterri ou décolle un avion par trente secondes. Si vous y êtes déjà allé, vous savez où. Difficile à expliquer, et encore plus difficile de si rendre! Bref, le New Jersey, une visite et vous êtes marqué à vie.

C'est donc l'heure du départ pour la grande sortie de la Grosse Pomme. Je retourne à l'autoroute I-678, que cette fois je prends vers le nord. Un instant plus tard, de retour au pont Bronx-Whitestone : trente-cinq piasses encore. Dès la sortie du péage, voici la I-95, que je prends sud mais qui va vers l'ouest (c'est comme à Montréal : ne vous fiez pas à la boussole!

Là, à onze heures, la circulation est à son plein potentiel! Alors, nous nous suivons tous à la queue leu leu... Il y a du monde à la messe, et il semble que la messe soit au New Jersey! J'observe de tous les côtés. Mais le Bronx, ce n'est pas Manhattan! Même l'architecture est sombre...

Puis, l'autoroute devient un espèce d'échangeur incroyable, le même que j'ai pris le matin... Cette fois, je poursuis mon chemin, droit devant. Arrive ensuite les sections en tunnel. Là encore, je ne mettrais pas ma main sur le toit de la remorque! En approchant le pont George-Washington, les indications disent de garder les deux voies de gauche, afin de rouler sur le dessus du pont.

Je suis les indications pour la I-95 sud, qui vite deviendra le New Jersey Turnpike, l'autoroute à péage. Je m'arrête à la deuxième halte routière. Je me procure un café chez Starbuck. Comme c'est chou, je peux le sucrer avec du miel!

Je reprends la route pour quelques autres sorties. Arrive la 8A. Je sors, paie mon passage : un autre vingt-six piasses! La sortie prend ensuite effectivement deux directions. Et l'une d'elles repasse par dessus l'autoroute. L'autre fait un demi-tour et donne sur un quartier industriel. Je lis donc les deux pancartes, à la recherche de la County Road 612 ou de Forsgate Drive. Rien. RI-EN de ça... une route US, une route NJ, une autre County Road, mais pas ce que je cherche! Tout ceci se passe en quelques secondes, alors que je suis à ramasser mon reçu et mon change... Donc, étant dans la voie du centre, me voici dans le demi-tour. J'observe les noms de rue, les numéros, rien n'y fait. J'ai évidemment pris le mauvais côté en premier! Bon, je tente quand même de suivre à peu près les directions, des fois que... Au moins, c'est un quartier industriel, je ne suis pas trop un extra-terrestre! Mais je n'ai ni endroit pour me stationner, ni dépanneur ou relais ou m'informer. Et l'heure avance... on m'a dit « avant quinze heures ». Et comme je suis un vieux de la vieille, je sais que le bureau a tendance à raccourcir les journées du client. Ce qui fait que même à la dernière seconde, le client lui, en a encore pour une heure, alors il n'est pas fâché de nous voir arriver à « moins deux » pour charger un voyage complet!

À force de « encore un bout », de « on r'vire ici, ça passe » et de « me semble que ce coin-là est intéressant », je finis par voir un genre de dépanneur, entouré de camion sans leur remorque, sauf un de livraison, et avec plein d'affiches « camions interdits ». De toute évidence, les camionneurs ne savent pas lire! Heureusement, il y a un genre d'accotement sur la petite rue. Je m'y stationne derrière un autre qui a eu la même idée. Et je marche jusqu'au dépanneur.

Et je marche... J'arrive à l'intérieur, je cherche la carte sur le mur. Bon, un autre signe que je suis vieux. Dans mon temps, chaque dépanneur, surtout près de New York ou d'autres grosses villes, avait une carte sur un mur. Souvent à l'intérieur, mais aussi parfois directement dehors! Parce que plus la ville est grosse, plus les gens viennent de loin pour travailler, alors tout bon camionneur a une histoire du gars à qui il s'est informé, qui n'avait jamais entendu parler de ça, pis que finalement, c'était la rue à côté et l'usine a genre plus de mille employés (on ne peut pas la manquer)! Mais le gars en question reste tellement loin (bon, chez les américains, « tellement loin » ne veut pas toujours dire la même chose que chez nous : ça peut être l'état voisin, mais souvent le conté voisin)...

Je constate qu'en ces temps de cellulaires, un téléphone public, ça n'existe plus... et je commence à me demander si en ces temps de GPS inclus dans les automobiles et dans les téléphones plus intelligents que leurs propriétaires, et tant qu'à y être d'Internet un peu partout, si il reste des bonnes vieilles cartes impossible à replier pour les mononcles! Ah oui, elles sont là. Je sors le livre de la région. Trouve la sortie 8A, fouille autour, trouve la County Road 612 et Forsgate Drive, ainsi qu'Applegarth Road, la rue de mon client. Comment ai-je pu manqué tout ça, c'est tellement proche de la sortie?

Je localise à peu près où je suis. Voilà... on y va par là, là et là, on fait des be-byes à la sortie, on arrive pile là où il le faut. Bingo! Go! Go! Je me dessine un plan, parce que je n'ai pas de mémoire, puis je retourne au camion. C'est un départ... et il me reste quinze minutes!

Je passe près de tourner à la mauvaise place, puis je me souviens que je devais foncer en ligne droite. Ce n'est pas le temps de se mélanger! Arrive la sortie, je passe par là, tiens, c'est à « colle toi à gauche » où j'ai manqué. Maudit caca! Ça m'apprendra à suivre les numéros de routes...

L'affiche qui dit que c'est la County Road 612 est de l'autre côté de l'autoroute, là où ladite route commence! Ah, évident, ben sur! Je tourne à droite sur la rue de mon client. Un petit bout plus loin et, voilà! Mon client : une compagnie de camions. Je me stationne là où je ne suis pas trop dans le chemin, et je vais à la rencontre de l'expédition. Un beau Peterbilt de la compagnie Guilbeault est à se reculer au quai.

Nous avons tous les deux un chargement de vieilles batteries d'automobiles. À la suite de monsieur Guilbeault, je remplis la feuille avec mes données et numéros, puis on me donne un quai. Je retourne donc chercher mon camion. Alors que je manœuvre pour reculer, un zouf local (qui amène les batteries) prend tout l'espace qu'il peut et commence à reculer. Là, wo! Il l'a su en tabarnak... et même si il n'a pas compris tous les mots en français, je suis sûr qu'il a saisi le message! Il m'a donc laissé reculer en premier. Pas que je lui volais une place, ni vice versa, il restait trois quais... mais est-ce que je peux avoir deux minutes pour procéder? Ah, les gars de ville payer à l'heure, toujours les plus pressés!

Alors que je cherche un moyen de contourner l'eau afin de retourner à l'intérieur, l'ami Guilbeault me dit :
- Attends une minute, je vais m'avancer...
- Quoi, tu es déjà charger?
- Oui!
Hé ben, je me demande si ça fait dix minutes que je suis là... Des fois, les clients sont efficaces! Une fois à l'intérieur, je vais vérifier si j'ai tous les papiers, et ensuite si tous les autocollants sont en place sur les palettes. Car des vieilles batteries, ça passe comme matière dangereuse au Québec et au Canada, mais pas aux États-Unis. Il faut donc être doublement vigilant. Les déchets et rebuts de toute sorte ne sont pas des matières dangereuses pour les américains! Les placards, à apposer sur les quatre faces de la remorque me seront remis chez le courtier en douanes, tout juste de l'autre côté de la frontière.

En peu de temps, je suis moi aussi chargé. Le client m'explique qu'ils n'ont pas de fax, car ça ne fait que quelques jours qu'ils ont emménagé... Bon, ça ira plus loin plus tard. J'avise Lori que je suis chargé et que le fax ira à plus tard, et me voilà reparti. Je prépare mon souper dans le réchaud, en me disant que je trouverai bien un endroit pour le manger. Hmmm, un habitué de ce coin ne fait jamais ça, mais bon, je suis aventureux!

Je fais un petit bout sur le New Jersey Turnpike, pour un peu plus de deux piasses, puis je sors pour la I-287, qui contourne en quelque sorte la ville de New York et ses banlieux jerseyenne. L'heure étant au souper, la circulation est très dense, à pas de tortue. Mon repas est vite prêt, mais je ne suis pas encore très loin. Je pourrais presque le manger en roulant, tellement nous roulons lentement! Mais ce n'est pas mon genre... « Quand je n'aurais plus le temps de manger (et sa conséquence : chier, désolé...) et dormir, même que quelques heures, alors, je retourne chauffer un « lift » dans une « shop »! »

Tiens, une balance... fermée. Je tasse à droite, et au moment où je suis suffisamment entré pour ne plus pouvoir sortir (évidemment!), je constate qu'il y a un camion arrêté juste avant la plaque, et à ses côtés une auto-patrouille. Bon, n'essayez pas ceci à la maison, mais mon registre n'est pas encore tellement présentable, surtout qu'eux savent bien qu'on a en notre possession toute une lignée de reçus, peu importe d'où l'on arrive... Il ne faut donc pas que je me fasse vérifier. Je suis donc presque cuit. Je vois le chauffeur qui va de son camion à l'auto-patrouille... et encore... et encore, chaque fois il ramène un papier, un permis ou quoi encore? Je pense à reculer jusqu'à l'autoroute, mais bon, pas devant l'agent, quand même... J'attends donc, et je me croise tout ce que j'ai de doigts, orteils inclus!

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