11 février 2008
Aujourd’hui est un jour spécial pour moi. Il y a 11 ans, je commençais ma première journée de ma vie de camionneur. Après avoir fait un DEP en camionnage au Centre de Formation en Transport de Charlesbourg (CFTC), donné au futur campus d’Alma (ce qui, finalement, ne s’est semble t’il jamais matérialisé), à l’automne 1996, je m’étais donné le temps des fêtes pour me remettre de mes émotions avant de me mettre à la recherche d’un travail.
Le Saguenay et le Lac Saint-Jean étant constitué de courtier (avec un ou parfois deux camions), de terminaux de compagnies « étrangères », ainsi que les Jules Savard et Jean-Marie Bernier de ce monde, trouver un travail était un… travail colossal! Les courtiers ne veulent pas d’un chauffeur directement sorti d’une école, aussi excellente soit-elle. Les « terminaux » se relancent la balle avec la maison mère, ou encore passent par des agences (le terminal dira que c’est le bureau-chef qui engage, et le bureau-chef dira que chaque terminal engage de son côté). Chez Jules Savard, on m’a répondu qu’on n’engageait pas de nouveau chauffeur en hiver, car « le parc en B-Train… » Le plus drôle, c’est que notre formation pratique s’est déroulée dans le Parc, justement, à la grosse neige (d’octobre à décembre). J’ai dû me mordre les babines afin de ne pas répliquer, ne sachant pas si un jour j’aurai à y travailler…
Je me suis donc retrouver dans une compagnie du genre « qui engage n’importe qui ». C’est pour ça qu’ils m’ont donné ma chance : à cette époque, j’étais un « n’importe qui »! J’ai donc pu travailler à cet endroit pendant quand même presque 4 ans. Aujourd’hui, je considère ce passage comme un long stage rémunéré. J’y ai fait, ou vu faire, à peu près tout ce qu’il ne faut pas faire avec un camion. Pensez à la pire chose que vous ne feriez jamais, et je suis presque certain que j’aurais une anecdote à ce sujet à vous raconter! Par contre, le but de mon blogue n’étant aucunement de « bitcher » qui que ce soit, je ne raconterai mes anecdotes qu’en personne seulement.
Après 4 ans à cet endroit, j’ai par hasard rencontré une vieille connaissance, Moitié moitié, dans un restaurant de Sainte-Catherine. Il m’avait déjà parlé « comme ci comme ça » de la nouvelle compagnie pour qui il travaillait, Transport Claude Lemieux. Ce dernier était sous-contractant pour Transport Sylvester & Forget. Moitié moitié m’a longuement raconté comme le travail se passait dans ces deux compagnies. Ça semblait être ce que je recherchais : boite fermée, moyenne distance (genre un voyage par semaine), respect total du chauffeur pour les horaires, pas de hautes attentes sur le rendement (du genre « tu me fais un minimum de 3000 miles par semaine ») et où « rouler légal » est accepté…
Quelques jours plus tard, les démarches étaient entreprises pour mon changement de travail. À mon ancien bureau, tous furent très surpris de me voir partir, sans aucune chicane, sans un mot plus haut que l’autre. C’était en effet le genre de compagnie où, trop souvent, les chauffeurs s’en vont en offrant leur poing sur la yeule à quelqu’un du bureau. Ou encore reviennent vide sans ramasser ou attendre leur voyage de retour qui ne vient jamais…
De mon côté, certains chauffeurs m’avaient conseillé de rencontrer le responsable (que nous appelions entre nous le « fils du boss ») de la compagnie afin de lui faire part de mes « problèmes » dans le cadre de mon travail. Dans leurs cas, le problème s’était réglé après une simple conversation avec la direction. C’est évidemment de cette façon qu’il est normal de procéder mais, dans le monde du transport, habituellement, le chauffeur « endure son mal » jusqu’à ne plus en pouvoir puis, il démissionne pour aller refaire la même chose dans une autre compagnie.
J’ai donc fait le travail de réfléchir sur les quelques points à améliorer dans ma situation. Juste pour le genre de travail effectué, des voyages courts (2 ou 3 voyages pour une semaine) en plate-forme dans la bouette jusqu’aux genoux, j’avais déjà beaucoup trop de point non-améliorable. En effet, la compagnie peut s’ajuster, mais elle ne peut pas changer du tout au tout. Remarquez ici que je ne dis pas un mot sur tous les « aux limites de la légalité » impliqués dans le cadre de mon travail là-bas. Autant suis-je un « légal à tous prix », autant je comprends qu’il faut parfois étirer l’élastique un peu… et du moment que ça paye au bout (ce qui n’était plus le cas vers la fin de mon règne).
Un changement était donc inévitable. Je ne voulais par contre pas faire comme bien d’autres chauffeurs et aller d’une compagnie à l’autre à la recherche de quelque chose qui n’existe pas. Je me devais donc de trouver, au meilleur du possible, LA compagnie qui ME satisferait. Ici se trouve le cœur du problème de nombreux chauffeurs. Avant de trouver SA compagnie, il faut tout d’abord se connaitre soi-même, savoir ce que l’on recherche, savoir ce que nous sommes prêt à accepter et ce que nous n’accepterons pas sous aucune considération. Il faut aussi être conscient que ces critères changent d’un chauffeur à l’autre et que, même si mon grand ami me dit : « viens travailler dans ma compagnie, c’est vraiment la meilleure », ben la meilleur pour un autre n’est pas nécessairement la meilleure pour moi, parce qu’on ne désire pas exactement la même chose.
Après avoir bien réfléchi à mon propre cas, j’en suis venu à la conclusion que je devais changer de travail pour me retrouver chez Transport Claude Lemieux. En novembre 2001, je commençais donc ma nouvelle vie dans le monde du transport.
Mon passage dans cette compagnie aura duré un an. Dans cette compagnie, je me suis retrouvé au volant d’un magnifique Volvo VN « 3 pieds, flat top », le genre de couchette où tu dois t’habiller couché… Avais-je quitté un Mack semblable pour ça? Heureusement, lorsqu’il a vu le type de voyage que je faisais, mon patron me changea de camion pour un avec « ze couchette » : deux lits (comme si j’en avais besoin!), haut d’même, debout entre les deux sièges, des armoires de bord en bord, la grosse affaire. Le seul hic, c’était un pré-VN, le modèle plutôt carré du temps où ils s’appelaient GMC, White Volvo, ou encore Volvo tout court… Quand je faisais mon court, Volvo venait tout juste de se rendre compte que s’ils les fabriquaient eux-mêmes, ce sont eux qui feraient l’argent… Mon ancien patron ne jure que par Volvo, alors nous conduisions des Volvo… qui étaient bon comme seul un Volvo peut l’être! Que dire de plus?
Souffrant disons d’un écoeurantite aigue, causant un certain relâchement sur la gestion et l’entretien, un an plus tard, mon patron abandonna graduellement les affaires. Mon actuel patron, qui était notre voisin de garage, s’entendit avec lui afin d’acheter les camions encore potable (on ne peut pas vraiment dire bon!) ainsi que pour engager la majorité des chauffeurs.
En janvier 2002, à mon retour de vacances, je me suis fait annoncer que j’avais, sans le savoir, changé de compagnie. J’étais maintenant un TJB. Mon camion aussi… Bien que j’ai toujours trouvé que la façon dont je l’ai appris n’a pas vraiment d’allure, évidemment, je suis conscient que d’annoncer à ses employés qu’on ferme les portes de la compagnie qu’on a mis pratiquement une vie à bâtir ne doit vraiment pas être facile.
J’ai donc commencé cette année-là avec un nouveau nom sur mon chèque de paye, mais en faisant exactement le même travail : les deux compagnies étaient sous-contractant pour la même compagnie. J’ai gagné une augmentation de salaire au change, ce qui ne gâche rien.
Peu de temps après, dans un but de refaire mon camion de fond en comble, on me prêta un Wess. La gaffe! La piqure fit son effet. Je devais l’avoir pour deux semaines, le temps que mon vieux Volvo ne soit remis sur pied de fond en comble. Je constatais déjà une différence de gestion assez majeur : des vieux camions, oui, mais seulement dans un état impeccable. De cette façon, les bris sur la route sont réduits au minimum. Avantage pour le chauffeur comme pour la compagnie. Moins de perte de temps pour un, moins de dépenses imprévues pour l’autre.
Par contre, après deux semaines dans un Western Star à moteur Détroit Diesel, après quand même cinq ans dans le transport, je faisais enfin connaissance avec un « vra truck » pour la première fois. Bon, j’avais bien fait quelques sorties courtes avec les International – Détroit de mon ancienne compagnie, mais pas suffisamment longtemps et, à l’époque, pas suffisamment d’expérience pour voir et sentir la différence.
Deuxième point pour lequel je me suis retrouvé un « vendu Wess », l’abondance d’espace. Du vrai espace de rangement utile et pratique. Tu mets ton sac de vêtement là, ta boite de nourriture et cossin là, etc. Toute la couchette est faite en carré, en cube, pas juste en trou à bobette en forme de mini-pyramide (où tu ne peux mettre qu’une paire de bobette, justement!) que j’avais connu dans mon vieux Volvo (est-ce encore comme ça sur les nouveaux modèles?).
Plusieurs des chauffeurs de Volvo m’ont dit : « tu vas te sentir pris d’un pain dans un Wess, tu ne croiras pas à ça ». Pff! Au contraire, j’avais l’impression de me perdre dans ma couchette de Wess! Une fois mes bagages réparti, il restait abondamment d’espace pour d’autre chose farfelu… Ah, et je vous entends dire : « oui mais, il y a le trou pour la niche où tu te pètes la tête une fois sur deux ». Bon… oui, je me suis bien péter la tête quelques fois, la plupart du temps en allant trop vite d’en avant à en arrière ou vice versa. En passant, dans mon dernier Mack Vision comme dans mon actuel Wess, le trou a tellement été agrandi que c’est tout comme s’il n’y en avait pas. À peine une bordure sur les murs et les côtés. Et tous les nouveaux Wess viennent maintenant avec la couchette Stratosphère qui amène le toit surélevé : on peut donc se lever debout entre les sièges nous aussi.
Donc, à la fin de mes deux semaines en Wess, je me suis dis que je pourrais bien rester dans ce camion. Je demandai donc à Seven Up, alors notre homme à tout faire de la sécurité. Il me référa bien sur au patron. Celui-ci me dit que ce camion était promis, mais qu’il m’en donnerait un aussitôt qu’il y en aura un de disponible. Pour lui, les anciens chauffeurs de l’autre compagnie étaient tous des « gars de Volvo » alors, de lui-même, il ne nous aurait jamais changés de marque de camion. Par contre, il était bien prêt à m’accommoder.
Dans la même fin de semaine, il m’accosta sur la rue.
- Veux-tu encore un Wess? Me demanda-t-il.
- Bien sur, répondis-je.
- J’ai un autre chauffeur qui voudrait bien un Volvo, alors j’ai pensé que je pourrais lui laisser le tiens et te donner le Wess.
C’était donc ça. Ce n’était pas vraiment mon Wess qui posait problème, mais plutôt ce qu’il ferait de mon vieux Volvo. Une fois le Volvo donné à quelqu’un d’autre, je pouvais bien prendre le camion que je voudrais. Je pus donc repartir avec ce qui était devenu MON Wess.
Pendant un an et demi, ce vieux Wess fut le mien. Nous avons eu ensemble une relation presque sans faille. Seul le turbo explosa, quelque part en Géorgie. À un million et demi de kilomètres, j’imagine que c’est normal…
Peu après, on m’enleva ce camion, un peu à ma grande surprise. En effet, je n’ai jamais eu conscience qu’il coutait trop cher à garder sur la route. Mon patron a en effet un montant X voué à l’entretien de chaque camion et lorsque l’entretien et les réparations dépassent ce montant, il se débarrasse dudit camion.
C’est alors que je me retrouvai dans ce camion-ci, qui partage encore mes aventures actuelles, le 892. Outre le moteur Mercedes, la transmission à 10 vitesses (les camions suivants ont tous été livrés avec des 13 vitesses), le « frame » et la suspension de Freightliner (depuis 2004, les Western Star sont montés sur la même base que les Coronado, la suspension de base étant la Airliner de Freightliner), c’est un bon camion! Ouf direz-vous, il reste quoi? Bonne question!
Aucun commentaire:
Publier un commentaire