11 février 2010

On part - Chapitre Second

Qui dit Grand Rapids, dit douane de Port Huron. Probablement que nous commençons à y être connu, car c’est moins compliquer qu’avant d’y traverser. Avant, c’était quasi automatique qu’on allait à la fouille au rayon X! Ou la dernière fois, le douanier me demande où je vais. Je lui réponds par l’état, comme depuis toujours, donc au Michigan. Il me dit : nous sommes au Michigan et tu n’es pas rendu, donc, où vas-tu? J’ai donc dû lui sortir la ville de ma non-mémoire!

Arrivé chez mon client, je constate que c’est gros. Même très gros. J’oserais dire gros en tabarnak! C’est un centre de distribution pour une chaine de grande surface que je n’avais jamais vu avant. Et à voir les entrepôts (il y en a plusieurs, réfrigérés ou non), il doit y avoir plusieurs magasins… À la guérite, on demande d’avoir notre numéro de P.O. en main en arrivant. Je regarde rapidement, puis je donne les factures au gardien. Après tout, il doit savoir d’instinct où le trouver! Pas toujours… Il me demande ce que j’amène. Des gros rouleaux de papier. Genre pour l’imprimerie, qu’il me dit? En plein dans l’mille! Ah, c’est pour ça que je n’ai pas de numéro de P.O.! On prend des notes pour la prochaine fois…

Il me donne la carte et les directions pour retrouver l’imprimerie. Hé ben, cette chaine imprime elle-même ses circulaires! Ça c’est être visionnaire et créateur d’emploi! Bien sur, il faut être mauditement gros pour que ce soit rentable!

Pour le retour, je me rends dans le village très ancien de Vicksburg, au sud de l’état. J’y ramasse un genre de farine… ou une poudre quelquonque! Puis, de retour sur la route en direction d’un mini-congé de quelques heures afin de reprendre un peu du temps perdu en congé de maladie. Et aussi de profiter de la manne qui passe.

Comme d’habitude lorsque je crois que je pourrai être rentré tôt, j’arrive tout juste à temps pour souper! J’ai encore ben de la misère à prédire mon temps de travail! Je dois laisser ma remorque à notre cours de Lachine, et mon camion pour la soirée aussi. Ma prochaine remorque est à Saint-Chrysostome.

Caro offre que nous allions souper au SunK à Châteauguay. Excellent restaurant chinois. Oubliez les buffets d’un kilomètre de long avec plus de non-chinois que de chinois. Il y a là un buffet raisonnable (assez de variété pour faire deux bonnes assiettes de cochon sans se répéter), mais surtout, délicieux. C’est là que j’ai découvert que la soupe Won Ton, ce n’est pas seulement pour bourrer la panse afin que le client ne pige moins dans le buffet : ça peut aussi être bon!

Le décor est très chinois, on pourrait probablement dire kitsch. Il n’a pas changé depuis des lunes. Et la propriétaire, avec son mari et son fils, était une amie de Brenda, feue la maman de Caro. Cette fois, je crois que c’était la chaleur, on aurait dit que personne de nous trois ne « feelait » pour manger comme des cochons (c’est ça le but d’un buffet, non?).

Une fois rendu à Châteauguay, pourquoi ne pas en profiter pour se rendre chez tante Anna, à Sainte-Martine? Bon, avoir su, j’aurais trainé mon camion. Rendu là, on est à une vingtaine de minutes du bureau. Caro me raconta que Raymond, son cousin, avait vendu sa maison et que depuis aujourd’hui, il était retourné chez sa mère! Il doit ben avoir proche cinquante ans, le cousin, alors la situation est pour le moins cocace. C’est temporaire, mais quand même.

Tout juste derrière nous, Sylvain, un ami de Raymond arriva. Nos deux compères s’en allaient voir un spectacle Hommage à Led Zeppelin (c’est de leur âge!). Et Sylvain n’arrêtait pas de taquiner Raymond : bonsoir, habitez-vous chez vos parents?

Après un brin de jasette, nous sommes retournés vers mon camion. Il faisait si froid que j’ai décidé de retourner au garage pour y passé la nuit, ce qui permettrait à la couchette de se réchauffer, plutôt que d’attendre sur place qu’elle ne réchauffe. Je suis parti sans remorque, ce qui en soit est un événement! Et comme je ne savais pas mon numéro de remorque, je n’ai pas pu vérifier qu’elle n’était pas dans la cour de Lachine (ça t’arrive une seule fois de courir toutes les cours à la recherche d’une remorque!). J’avais donc un genre de doute, tout en ayant confiance car les erreurs sont rares chez TJB.

Arrivé au garage, j’ai rencontré deux confrères de travail qui venaient de rentrer, Reefer et Moustache. Une courte discussion s’en suivit, mais eux s’en allant à la maison, ils étaient plus pressés que moi! Je suis donc allé chercher mes payes et mes papiers de voyage dans ma case avant d’aller au lit. Les payes y étaient, ainsi que l’avance d’argent demandé, mais pas de papier de voyage, ni de numéro de remorque… Louche, mais bon, on verra ça demain avec Jean-Pierre!

Dimanche matin, j’observais la faune déambuler dans la cours tout en me réveillant… Il n’y eut qu’un chauffeur, que je ne connaissais pas. Je déplaçai mon camion à la pompe afin de faire le plein, me permettant de « fermer » la semaine précédent, et de remettre mon enveloppe dans ma case pour traitement futur (et donc paye le jour venu!). Une fois l’opération complétée, avec maintenant plus personne en vue, je suis retourné à l’intérieur afin d’y laisser la précieuse enveloppe. J’en profite pour remplir une de mes bouteilles d’eau, l’eau du puits étant si bonne (par contraste avec celle du village qui était si moche du temps où j’y habitais).

Avant de téléphoner à Jean-Pierre (j’hais ça déranger quelqu’un dans son congé, même lorsque c’est justifié), j’ai eu un éclair de génie! Oui, ça m’arrive une ou deux fois par année. Je me suis dit, perspicace, que si je regarde sous le rideau de fer, je pourrais voir mon numéro de remorque sur le tableau des chauffeurs. Par la suite, je pourrais voir si elle est dans la cour (ou si j’aurais dû faire dodo à Lachine!). Si c’était le cas, je n’aurais qu’à me faire faxer la feuille nouveau genre pour la douane demain sur la route (après vérification dans ma tête qu’on est bien dimanche, donc demain est un jour ouvrable!)… Les papiers pour la livraison eux sont toujours dans le nez de la remorque.

Numéro de remorque en main, je retourne dans mon camion et je me rends au fond de la cour, là où sont stationnées les remorques. Bingo, la mienne est là! Au moins, je ne me suis pas rendu au garage pour rien! J’accroche donc ma remorque et je suis prêt à partir.

La route va bien. La 401 est fidèle à son habitude, longue et en montant. À partir de Kingston, la neige se met de la partie. Rien pour faire peur à un saguenéen, mais assez pour faire une file de voitures. C’est le traditionnel retour à la maison du dimanche en fin de journée! Comme je suis tôt, comparativement à la normale, je décide de me rendre à Dorchester pour la nuit. Je ne suis pas vraiment pressé ne livrant à Springfield, MO que mardi en après-midi, mais avec tout ça, il est une belle heure pour s’y accoster.

Évidemment, qui dit Dorchester le soir dit Internet lent. Parce qu’au petit matin, c’était beaucoup plus rapide. Ce doit donc être l’affluence du soir qui ra—len—tit… Je me couche réellement un peu tard (quelqu’un de surpris?). Je finis par repousser l’heure du réveil.

Je pars donc un peu à la course le lundi matin. J’ai beau ne pas être trop pressé, il y a quand même une limite à perdre son temps, ce que je n’ai d’ailleurs pas trop de misère à faire. J’arrive à Comber, ON peu après dix heures. Mon plan : faire le plein, mettre le diner dans le réchaud, ramasser le fax et le coupon de l’oncle Tim, et repartir vers les douanes (à quarante-cinq minutes de là); en chemin, mettre le diner à chauffer afin qu’il soit prêt une fois les douanes traverser (il y a un stationnement tout de suite après la douane ou une demi-heure plus loin, ce qui est trop pour moi aujourd’hui).

Ça, c’était le plan. Ce qui veut dire que c’est ici que ça se gâte! Je fais le plein, je stationne mon camion, je téléphone à Jean-Pierre afin de lui demander le précieux papier (on a maintenant besoin que d’une feuille à présenter au douanier, feuille que l’on pourra d’ailleurs remplir nous même une fois qu’on en aura à bord). Ce sera fait, qu’il me dit. Je vais donc au toilette et ramasser mon coupon qui ces temps-ci arrive sous forme de carte! Normalement, le temps est ben en masse suffisant pour que l’opération ait fonctionné.

Je vais donc voir Lori (de Comber, à ne pas confondre avec Lori du bureau, même si elle est tout aussi sympathique) qui, connaissant les TJB par leurs maudasses de faces, sait en me voyant qu’elle n’a rien pour moi. Elle vérifie quand même, mais comme elle a beaucoup moins de fax qu’à Tilbury (l’autre relais une sortie plus à l’est), ce n’est pas très long.

Je retéléphone au bureau. Le patron lui-même me répond. Je lui explique la situation. Il vérifie avec Jean-Pierre, qui dit que « c’est parti tantôt ». Comme je ne l’ai pas eu, il me le renvoie. En quelques minutes, Lori de Comber me fait signe. Elle a deux feuilles. Une vierge et une qui dit que je traverse à la douane de Port Huron! Je saute haut d’même (parce que je suis à deux pas de la douane de Détroit)… pour me rendre compte, avec ma mémoire cette fois phénoménale, que c’est la feuille de la semaine dernière (mon voyage chez l’imprimeur dont je parle plus haut).

Je retéléphone au bureau, pour tomber sur Jean-Pierre lui-même. Je lui raconte tout ça. Ce n’est pas très drôle, mais je suis calme (Caro dirait : étonnamment calme, mais au travail, j’ai un calme olympien). Il me dit qu’il va vérifier tout ça et qu’il me rappelle. Bon, autant allé faire chauffer le diner…

Quelques minutes plus tard, la réponse arrive : mon voyage n’a pas été dédouané. Rien, niet, aucun dossier ouvert à mon nom! Je suis donc passé dans la craque du plancher! C’est la première fois qu’une telle chose se produit depuis qu’il faut pré-dédouaner les voyages à destination des États-Unis! Hé ben. Et, bien sur, ça tombe sur l’heure du diner! J’envoie donc la facture de douane au bureau afin qu’eux puissent faire leur bout du travail. Lori de Comber rigole un peu avec moi de la situation. Je déplace ensuite mon camion afin d’être dans le champ d’action d’Internet (je ne capte pas le signal de partout à ce relais). Comme je ne peux plus avancé avant d’avoir ce papier, et qu’il faut qu’un peu de temps s’écoule avant que la douane américaine accorde ses flûtes et nous autorise à nous y présenter, je vais donc me sacrifier sur Internet en attendant que le diner soit prêt (ce qui ne tarda pas avec tout le temps que ça a pris!) et que le fax revienne. J’estime au pif aux alentours de treize heures trente.

Comme prévu dans ma tête, treize heures trente précise, je peux quitter (enfin) Comber, papier en main. Merci Jean-Pierre! Moins d’une heure plus tard, me voici sur le pont Ambassadeur, le seul endroit où, pour passer du Canada aux États-Unis, il faut monter vers le nord! Sur ledit pont, on peut voir que l’eau n’est pas gelée du tout. Fin janvier, c’est assez exceptionnel! Et comme toujours ces temps-ci, grâce à la récession qui se prolonge et aux nombreuses compagnies de transport en faillite ou au ralenti, il n’y a pas beaucoup de camions en attente au poste de la douane américaine.

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