11 février 2010

On roule aux z'États - Chaptire Tertiaire

Comme il n’y a que peu de camions, on dirait que les douaniers se permettent d’être plus suspicieux. Du temps où j’avais l’air d’un tueur, je n’ai pas eu vraiment de démêlé avec la douane… On aurait dit que cette fois, c’était mon tour! Décidément… Rien de bien sérieux, mais lorsque tu es habitué à te faire envoyer la main, la moindre question te fait sentir drôle! Peut-être est-ce dû au fait qu’ils n’ont eu les papiers qu’une heure à l’avance, contrairement à l’habituel « environ une journée »… Je finis quand même par avoir mon OK. Je reprends donc la route.

Fidèle à leur habitude, comme la météo annonce une possibilité de neige, pluie ou verglas, les états-uniens ne roulent pas très vite. Ils ont peur d’avoir peur, aurait dit mon père! Le Michigan, avec à peine une micro-neige, se traverse très bien. Arrive Toledo, OH. Je prends donc la voie de contournement pour aller prendre la US-24. Cette route est un genre de raccourci. Maintenant que l’autoroute est ouverte sur une plus longue partie, on peut même y sauver du temps (parce qu’avant, on sauvait de la distance, mais je ne crois pas que l’économie se transformait en temps). En tout cas, ceux qui « logguent au mile » (plutôt qu’en temps réel, comme il faut le faire) aimaient bien passer par là.

Toujours est-il que, sur ladite US-24, là, l’hiver se montre la binette. La neige tombe allègrement, et le vent de l’ouest pousse très fort contre mon camion. Mais, comme je suis chargé en papier, à près de 80 000 lbs (le maximum légal aux États-Unis), et que j’ai déjà vu neigé (c’est le cas de le dire), je suis confiant. La chaussé d’ailleurs n’est pas gelée, seulement mouillée. Il y a aussi de moins en moins de véhicules sur la route, ce qui dans les fait nous facilite la tâche, nous qui n’avons pas vraiment le choix de poursuivre notre route.

Arrivé à Fort Wayne, IN, je prends donc la voie de contournement pour aller rejoindre la I-69 qui m’amènera à Indianapolis. Là, même le saguenéen qualifie la situation de vraie tempête! Le vent, qui sur la US-24 était contre moi, moi allant vers l’ouest et le vent arrivant de l’ouest, me pousse maintenant de la droite vers la gauche, moi qui roule maintenant vers le sud. Et il pousse… La chaussé est maintenant plus glissante, mais pas encore dangereuse, à ce moment du moins.

Parce qu’un peu plus loin, ça se gâte. Encore! Après avoir vu un camion du côté nord de l’autoroute qui avait été poussé dans le fossé, et la circulation, pour le peu qu’il y avait sur mon côté, qui ralentit pour sentir, il y avait au loin au même moment sur notre côté des lumières de police qui clignotent dans l’accotement. Il y avait donc assurément un problème à cet endroit. En quelques minutes, nous y étions. Une automobile, ayant probablement dérapée et frappée le muret du pont, était immobilisée sur l’accotement. Le pont étant au bas d’une côte, et les gens ayant si peur de passer à vitesse raisonnable à côté d’une auto-patrouille qui clignote, tous faisaient un quasi-arrêt pour, encore-là, sentir la situation. Circulationnez, je vous pris… parce que sur la glace, ce n’est pas la vitesse qui pose danger, mais le besoin de freiner ou de changer de direction brusquement. Il faut d’ailleurs voir aller les camions de bois en longueur sur les monts Valin en hiver pour comprendre… et voir les traces lorsque l’un d’entre eux manque sa courbe! 120 000 lbs, ça va ben loin, même si il n’y a plus de chemin! Donc, en m’approchant de la côte à descendre, je tente tant bien que mal de ralentir au même rythme que le camion qui me précède, qui lui doit faire la même chose par rapport à l’automobile devant lui, qui ralentit beaucoup trop pour rien. Mais comme je dis toujours, moi je connais mon poids, l’état de mes pneus (très bon pour l’hiver), et mes capacités. Les américains, autant les automobilistes que les camionneurs (une bonne partie d’entre eux), sont trop souvent mal chaussé (leur véhicule!), mal préparé et ils conduisent avec la peur. Pas pour rien que dès que la météo annonce une mince possibilité de tempête, que dis-je, une simple chute de neige, tous restent à la maison et toute activité de loisirs est annulée, et souvent des chaines de montage sont fermées, devant la possibilité d’un fort taux d’absentéisme. Loin d’être comme ça chez nous.

Toujours est-il que la remorque du camion devant moi se met à valser allègrement de gauche à droite (et vice versa, ben évidemment!)! Je constaterai un peu plus tard qu’il s’agit d’une compagnie de messagerie, alors même chargé, il devait être très léger. En le voyant valser, j’ai donc ralentit encore plus, en surveillant ma remorque minutieusement, mais étant très lourd, elle ne broncha pas au début. Mais elle a eu un petit dandinement par la suite. Tout en manœuvrant, je constatais à ce moment que la chaussée était maintenant glacée comme une patinoire. C’est toujours le cas en zone d’accident où la circulation est ralentie. Les véhicules ne créant plus suffisamment de chaleur par leur vitesse, l’eau a le temps de geler complètement. Quelques kilomètres plus loin, la circulation reprenant un peu de vitesse, la chaussée redevint mouillée… mais le vent ne diminua pas d’intensité.

En approchant d’Indianapolis, la circulation s’alourdit, et la température s’améliora légèrement. Prenant l’I-70 vers l’ouest, il ne restait plus qu’une neige légère, nous laissant une chaussée mouillée. Comme mon niveau d’émotion était à son comble, j’ai décidé de campé à Little Point, IN pour la nuit. J’étais plus confiant de trouver un stationnement là qu’à la halte routière de Mooresville ou au relais TA de Clayton, spécialement un soir de tempête.

Comme il me restait passablement de kilomètres avant d’arriver à destination, et qu’en plus de livrer à une heure imprécise en début d’après-midi me déboussole complètement, j’ai fait une courte nuit. Et la plupart du temps, la tempête a le temps de passer (et les déneigeuses aussi) pendant le divin repos.

Mardi, journée de la livraison. Je me réveille aux petites heures. À cinq heures, je suis sur la route, avec un bon café. La journée s’annonce bien. Comme je ne le sais pas encore, je me demande bien où j’aurai à recharger ce soir, ce qui justifie ma livraison en après-midi. Je ne peux parler pour les autres compagnies, mais chez TJB, c’est très exceptionnel de livrer autrement que l’avant-midi. Et encore, ce n’est que depuis que nous faisons beaucoup de transport de rouleaux de papier que nous livrons autrement qu’à sept ou huit heures. J’ai beau chercher dans ma mémoire, je ne vois pas où je pourrais bien aller. Je pense au client de la grotte (en fait, ils ont transformé une ancienne mine en entrepôt semi-réfrigéré naturelle), mais j’y étais allé de jour.

La tempête est effectivement terminée. La route demeure plutôt glacée, mais dégagée et sécuritaire. Et surtout, déserte! Et moi, j’étais très bien reposé, malgré la courte nuit. Dormeur, mon premier répartiteur dans mon premier travail (en fait, j’en avais plusieurs, mais celui-là valait quelque chose, ce qui n’était pas le cas de tous! He-hum!), m’avait déjà dit, parce qu’on était jeune et fou, et que c’était une compagnie de panique, m’avait dit, donc : « Dormez les gars. Pas longtemps si il faut, mais dormez! » Bon, venant d’un gars qui se faisait appelez Dormeur du temps où il conduisait, on avait pris ça pour la Bible!

Vers sept heures trente, le téléphone sonne : ma fille. Sarah me raconte qu’à la maison, la pluie a finalement tourné à la neige. Il était temps, c’est quand même janvier! Il y a toujours un redoux en janvier, mais de là à avoir une semaine de pluie… Elle me demande ensuite où j’en suis rendu. Pour l’anecdote, Sarah a deux questions préférées : 1- Qu’est-ce que tu fais? 2- T’es rendu où? J’ai beau répondre à chaque fois que je conduis mon camion, elle me redemande toujours ce que je fais dans mon travail! Et elle me demande où je suis rendu même si parfois elle me l’a demandé dix minutes avant. Alors je réponds que je suis quelques kilomètres plus loin que tout à l’heure.

Elle me demande ensuite le temps qu’il fait en Indiana. Je lui dis que la tempête est passé pendant que je dormais, parce qu’il était plus sécuritaire de m’arrêter pour dormir que de continuer à rouler fatigué. Et c’est là qu’elle m’a dit, dans une maturité que je ne lui connaissais pas encore : sois prudent et fait attention, papa! Petite émotion dans mon cœur de papa. C’est la première fois qu’elle se préoccupe des conditions routières dans lesquelles j’évolue.

Ensuite, je parle avec Caro. Je lui raconte ce que Sarah m’a dit, et que ça me surprend un peu. Elle me répond qu’à la télévision, ils ont beaucoup parlé de la température (du verglas à Montréal ce jour-là) et qu’il fallait être prudent en voiture. Ah, ceci explique cela, mais je suis quand même fier de voir que ma fille a fait tous les liens qu’il faut! Caro me dit ensuite qu’il pleut encore plus que la fois où le locataire avait téléphoné en panique vers cinq heures au petit matin disant que la chute du Niagara coulait dans son salon! Bon, à peine était-ce les chutes Wilson. N’empêche, cela signifie que mes réparations de la toiture fait l’automne dernier ont été bien faites. Satisfaction du devoir accompli pour le propriétaire qui apprend sur le tas. J’avais bien « tout déjà fait ça » avec mon père à la maison familial de Jonquière, mais la technologie d’une maison du début des années ’70 et une maison de près de 150 ans, c’est loin de se ressembler! Bravo à Caro qui a lutté contre la glace qui cherche à s’accumuler dans le coin, au point qu’elle s’est auto-ensevelie, tellement que le gars de RÉGIM (la cueillette du recyclage) qui passait au même moment est accourue pour la sauver! Voyant qu’elle riait aux éclats, il lui a même demandé s’il pouvait en rire lui aussi… Plus de peur que de mal avec nos joies de l’hiver!

Vers huit heures, j’envoie un message à Jean-Pierre afin qu’il sache que je suis toujours vivant. Je lui annonce que je devrais arriver vers quatorze heures. Arrive ensuite le Missouri, où la température est pareille comme en été. C’est fou ce que le Mississipi (la rivière) peut changer le climat entre un côté et l’autre. Comme notre fleuve en fait. Par contre, le Missouri est très montagneux, et vu mon voyage de rouleaux de papiers et mon tant aimé Mercedes, je peine à avancer sur l’autoroute.

Presque rendu à destination, voilà Lori qui me cherche. Je lui réponds qu’il m’en reste pour une trentaine de minutes. Je suis de plus en plus curieux à savoir où je vais me ramasser pour mon chargement de retour. Je le saurai bientôt. Mon client est du côté sud-ouest de la ville. Je prends donc la US-65 vers le sud, plus la US-60 vers l’ouest. De la sortie, je suis presque rendu dans le parc industriel où mon client est situé.

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