25 février 2010

En route vers la fin.

Me voici donc dans le dernier droit de ma relation avec mon Vieux Wes’. Depuis quelques mois, je dirais depuis la fin de l’automne dernier, je commençais à avoir mon Vieux Wes’ de travers. L’âge étant ce qu’il est, les petits bobos, que j’appellerais plus des irritants que de véritables problèmes, commençaient à me peser de plus en plus. Rien de si grave en réalité, rassurez-vous.

D’ailleurs, dans la plupart des cas, ces irritants-là étaient présents depuis presque le Jour Un où j’ai reçu la responsabilité du 892. Je parle entre autre de l’infiltration d’eau invisible qui amène des départs à l’intérieur d’une cabine humide, ou encore un tapis de couchette qui parfois fait des "flouche flouche" lorsque je marche dessus. Le garage a bien cherché, mais c’est évidemment difficile de reproduire en garage ce qui arrive lorsqu’il pleut. Ou mon miroir électrique qui branle. Ou mon coupe-tension de la couchette qui faisait que mon chauffage de nuit ne réussissait pas à finir la nuit, par manque de courant. Et comme il n’y a dans le Wes’ aucune alarme pour m’en aviser, je me réveillais une heure plus tard gelé comme un creton (ou un crouton comme dirait Sarah). Certains chauffeurs de Volvo avaient la même situation, mais à la différence qu’avec une alarme, tu peux te réveiller bien au chaud afin de démarrer le moteur pour le reste de la nuit.

Tout ça pour dire que mon Wes’ n’était pas parfait, mais l’amour que je lui ai porté tout ce temps effaçait en quelques sortes les petits défauts. Tiens, pareil comme l’amour que j’ai pour ma Caro. Ça dure un temps, pour le camion je veux dire, et un moment donné, on dirait que notre tolérance s’estompe. J’avais donc atteint ce point de saturation il y a quelques mois.

Il faut préciser que chez TJB, les camions nous sont assignés dans un certain ordre en partant des plus vieux vers les plus jeunes chauffeurs, de façon à ce que chacun, après un certain temps, reçoive un nouveau camion, généralement neuf ou presque neuf (mon Wes’ avait un an lorsque je l’ai eu). Chez nous, ce n’est pas "les plus vieux ont les camions neufs et les suivants ramassent les restes à chaque année". Une fois que tu as TON camion, tu peux le rouler pendant quelques années (et c’est un peu ajusté en fonction du kilométrage annuel du chauffeur: certains gros rouleux ont leurs camions moins longtemps que des rouleux moins assidus, comme moi, genre).

On m’avait suggéré il y a un petit moment que je pourrais me voir assigné un nouveau camion. Je dis suggéré, parce que l’insistance n’y était pas vraiment. Alors, avais-je demandé, "est-ce parce que ça pourrait être difficile de trouver un nouveau preneur pour mon Wes’"? Un peu, m’avait-on répondu. Donc, j’ai suggéré que je pouvais bien garder mon Wes’ pour le temps qu’il sera rentable ou efficace de continuer à le rouler sur de longue distance. Je le dis comme ça, parce que mon Wes’ précédant m’avait été enlevé pour cette raison, il était devenu trop cher d’entretien à maintenir sur le route. En même temps, je ne voulais pas vraiment me retrouver dans un Volvo. J’en ai eu un pendant une semaine, et ça ne s’était pas tellement bien passé. À ce moment, je me disais qu’avoir un Volvo, j’aurais mangé mon volant. Et comme il y avait déjà un moment que les nouveaux camions étaient toujours des Volvo, Jocelyn, notre Meilleur Patron, ne voulant se diriger que vers des moteurs Cummins, ce que Western Star n’offre plus. Avec le retour des Cummins chez Freightliner, compagnie sœur de Western Star, je continue d’espérer!

Les temps étant assez difficile ces mois-ci dans le merveilleux monde du transport québécois et nord-américain, mondial même, plutôt que de continuer l’achat de camion neuf, comme la plupart du temps chez TJB, Meilleur Patron achète maintenant des camions "ayant déjà été aimés". Décision d’affaire que je respecte. Elle démontre que le mouvement de la compagnie s’ajuste continuellement avec la conjoncture. C’était d’ailleurs déjà arrivé lors du passage de la compagnie de sous-contractants pour un autre transporteur au statut de transporteur complètement indépendant. En réduisant les dépenses, ça laisse plus de marge de manœuvre pour les mêmes revenus, ou une certaine marge si les revenus diminuent.

Toujours est-il que ces nouveaux camions sont arrivés, un solitaire tout d’abord, puis quatre ou cinq nouveau camion tout récemment. Encore là, je reconnais Meilleur Patron, qui teste toujours un produit ou une pièce d’équipement pendant un temps avant de se lancer plus à fond. Le test semble donc avoir été concluant!

Ces camions, pour tout vous dire, sont d’anciens combattants de la compagnie Bruce R. Smith chez nos voisins ontariens. Cette compagnie est présentement sous la protection de la loi sur les arrangements contre ses créanciers. Elle a donc de l’équipement à vendre pour se restructurer. Les camions sont déjà verts, à un demi-ton du Vert TJB. Disons que sur l’autoroute, même un œil averti ne voit pas la différence. Mais côte à côte, on peut voir une différence minime.

Contrairement aux camions "naturels" que TJB se procure habituellement, les Smith sont des camions montés pour travailler fort. Smith fait en effet du transport en tout genre, avec des remorques ayant de deux à sept ou huit essieux. Ils sont quand même montés pour un poids raisonnable, soit avec un essieu 13 000 lbs à l’avant et un tandem de 40 000 lbs à l’arrière. Certaines différences seront peut-être existantes pour la suspension et les longerons (le "frame"), mais je devrai investiguer plus là-dessus lorsque j’aurai le mien à temps complet.

Voici donc qu’arrive le temps où mon Vieux Wes’ a besoin d’une ou deux petites retouches mécaniques. En fait, j’ai arraché un garde-boue sur le camion, parce qu’il a accroché la patte de la remorque, son support plus exactement. La remorque étant avancée le plus possible afin de maximiser l’économie de carburant (l’espace diminuant entre le camion et la remorque faisant diminué la consommation de carburant; l’espace idéal est de trente centimètres). Le manque d’un garde-boue a déclenché la visite au garage, mais la liste de réparation mineure était longue. Après tout, je n’étais pas allé au garage depuis le congé de Noël!

Toujours est-il que, après deux jours de dur labeur de la part des mécaniciens, il arriva que mon embrayage, qui collait, ait encore un petit quelque chose qui ne tournait pas rond. Ils l’ont ressenti en sortant le camion pour me le rendre. Je me suis donc vu assigné un autre camion pour la semaine, afin de pouvoir faire ma semaine de travail. Et cet autre camion était le solitaire dont je parlais plus haut.

Cette fois, peut-être sachant que ce serait mon futur camion, bien que non-officiellement au moment de partir, j’étais beaucoup plus prêt à l’idée de conduire un Volvo. J’ai donc transférer la base de mon bagage dans le 811. C’est toujours à ce moment que je me rends compte que, dans mon camion, il y a beaucoup d’objet inutile. Tous ceux que je n’ai pas déménagés et dont je n’ai pas ressenti un manque de quoi que ce soit!

La semaine dans mon futur nouveau camion s’est, un peu à ma propre surprise, très bien déroulé. Je crois sincèrement, après coup, que je suis prêt à passer au merveilleux monde de Volvo. Ah, je peux vous dire que, malgré mon amour du véhicule européen, très souvent mieux conçu pour une utilisation routière extrême, toujours avec un souci du détail incroyable, ne s’applique pas vraiment au camion Volvo. Certains vices de conception, sur lesquels j’élaborerai plus dans d’autres billets futurs, me laisse pantois! Est-ce parce que la conception se fait plus aux bureaux états-uniens de la compagnie? Peut-être. J’imagine que l’ami Fred pourra, lorsque je publierai quelques images de l’intérieur, confirmer si l’intérieur est identique, ou au moins ressemblant, aux Volvo européens.

Deux anecdotes qui me sont arrivé avec le Volvo. Sur la I-71, quelque part entre Cincinnati et Louisville, dans les montagnes, je crois l’ami Gilbert, suivi d’un autre TJB. Gilbert est l’heureux chauffeur d’un des deux Wes’ plus récent que le mien, les derniers acquis par TJB. Il est, en plus d’être un bon "jack", le genre de chauffeur qui lave et frotte son camion mieux que si c’était le sien. En tout cas, beaucoup plus que moi! On voit la réflexion au loin lorsqu’il s’approche. Au moment de se croiser donc, il me reconnait dans ma trop grande fenêtre. S’étonnant que je sois au volant d’un Volvo, il me dit qu’il trouve ça comme une drôle de façon de me remercier de toutes mes années dans la compagnie. Un peu comme une démotion. Après les salutations d’usage, je me mets à réfléchir. Peut-être que je devrais aller le "bumper" pour avoir son Wes’? Serait-il moins déçu pour moi? Héhé, pas si certain! Honnêtement, je préférerais un Kenworth T660 ou un Western Star 4964, au pire un Peterbilt 389... mais je comprends que c’est la compagnie qui les camions, et que surtout, je ne veux plus vraiment de mon Wes’. Pour le reste, du moment que la paye est là (lire: que mon camion, quel qu’il soit, me permet de gagner ma croute et celle de ma famille). Je fais la différence entre ce qui serait une belle gâterie et une façon plus utilitaire d’exécuter mon boulot.

La deuxième anecdote arrive au moment de repartir de Lebanon, ma destination. En m’approchant de la sortie, je croise Homer (Simpson), un de nos chauffeurs qui arrive. Très drôle de lui voir la figure, tellement surpris de me voir au volant d’un autre camion. Avec lui, un "gars de Pete", j’ai pu constater quelques légères différences entre nos Volvo, le sien un naturel TJB, le mien un Vieux Smith recyclé.

Le coup de grâce m’est arrivé à mon retour au garage. Coup de grâce qui me fait dire que je suis prêt à faire le changement. En me rassoyant dans mon Wes’, afin de retransférer mes bagages, je me suis senti tout drôle, comme "pas dans mon élément", je le trouvais vieux, le siège défraichi, assis à une drôle de position, etc. Bref, un inconfort. Ah, en peut de temps, le naturel est revenu. Mais je serai donc prêt lorsque mon Vieux Smith me sera donné, dans quelques semaines.

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