24 avril 2009

En revenant de La Passe

Lors de mon dernier voyage à El Paso, TX, j’ai dû, par manque de nourriture maison, vu la limitation de la glacière, faire un retour à la source et fréquenter le restaurant. Je parle de retour à la source car, de mes débuts jusqu’à ma rencontre avec Caro, j’étais de ceux qui disent : « lorsque je n’aurai plus les moyens de me payer à manger sur la route, je lâche le métier »! Que j’étais jeune et naïf à cette époque, pourtant pas si lointaine…

Ayant maintenant une petite famille et, honnêtement, bien d’autres choses à faire de mon argent que de payer souvent près de quinze dollars par repas, j’ai donc commencer à « trainer de la bouffe »… Mais la glacière ne pouvant contenir que huit repas (on a essayé plus, mais on en perd), il arrive que je doive fréquenter le restaurant. La plupart du temps, avec un peu de planification, ce sera en terrain connu sur la 401, en Ontario.

Donc, pour les plus longs voyages, ceux qui dépassent six jours sur la route, il faut bien manger dans les relais américains. Je ne vais pas ici partir en guerre en disant des clichés comme quoi « les américains ne savent pas manger » ou « il y a juste de la merde dans les relais ». La bouffe américaine peut être très bonne… mais trop souvent, on ne pourra pas y avoir accès en camion! Nuance… Ou encore, j’ai mangé un super steak dans un Lone Star, mais pour la présentation… Assiette : steak, patate au four. Fini. Pas de tite salade, de légumes, rien. Une chance que j’ai eu une miche de pain chaud pour m’amuser avant le repas. Le steak, je le répète, était excellent… juste un peu « garoché sur la table ».

Dans les chaines de relais de camionneurs, on y mange en général bien, sans plus. Le problème, à plus long terme, est que, d’une chaine à l’autre, le menu est pratiquement identique! Tu peux bien changer de chaine, mais ce sera presque le même menu. À peine y aura-t-il un menu dit régional, qui fait que tu peux manger un peu mexicain (ben, du mexicain à l’américaine, mais quand même!) lorsque tu visites El Paso, justement. Ces chaines ont en général quatre ou cinq menus différents, qu’ils répartissent dans les différents restaurants en tentant de voir à ce que si un camionneur mange tous ses repas dans cette chaine, il aura droit à un menu différent à chaque repas. Parfois cela fonctionne, mais si tu n’as pas faim ici et que tu attends un peu plus loin, peut-être que tu vas retomber sur le même menu que la dernière fois. Et de toute façon, on en parlait lorsque j’étais à Radio-Canada, après une semaine à manger au restaurant, tu viens que tu ne voies plus le bon dans le menu, mais juste « encore un repas du resto ».

J’arrive donc à mon propos (y’é pas trop tôt mon Jeff!). À mon retour d’El Paso, j’ai tenté de bien choisir mes arrêts-repas. Et à ma propre surprise, j’ai assez bien réussi.

Tout d’abord, mon dernier camping avant d’arriver (décalage de deux heures aidant, on peut camper assez loin et quand même arriver chez son client à neuf heures du matin) fut dans une mini-halte routière avant la ville d’Alamogordo, NM, vous savez, le genre où il n’y a qu’une table à pique-nique (et un abri parce que le soleil tape dans ce coin de l’Amérique). Il y faisait une nuit comme on n’en voit que dans le fin fond des bois. En relaxant un brin dehors avant le dodo, j’observais les étoiles. À un seul autre endroit en ai-je vu autant dans ma courte vie, soit au Camp de Couteau de Poche de mon oncle Marc (Yé bon mon oncle), situé sur la ZEC La Lièvre, quelque part entre Roberval et La Tuque. Vraiment noir, donc une quantité infinie d’étoile, que la trop grande lumière près des villes fait disparaitre.

Donc, au petit matin, et en pleine noirceur, je repars sur la route. Environ trente minutes plus tard, j’entrais donc dans la ville d’Alamogordo, à la recherche du premier café du matin. Le dépliant des pesées CAT Scale annonçant la présence d’une pesée dans cette ville, je suis donc confiant d’y trouver un relais digne de ce nom. C’est qu’il faut quand même un certain volume pour faire vivre une pesée. Puis, au moment où « ça commence à sentir la ville », un éclair frappe ma mémoire; je crois que je suis déjà allé à ce relais, la dernière fois où j’ai mis le pied à El Paso… J’y avais même été escorté par un policier pour payer mon permis de passage (ah que c’est vieux cette façon de faire!)…

Effectivement, en arrivant, je constate que c’est bien l’endroit auquel je pensais. Après la traditionnelle visite à la salle de bain, je pars remplir ma tasse de café, ainsi qu’à la recherche d’un « sandwich à déjeuner » quelquonque, et autant que possible à tendance mexicaine, vu l’endroit (je préfère toujours manger « local »). Normalement, le réchaud à machin-déjeuner est près de la machine à café. Pas ici. J’observe tout autour : il y a bien le coin souvenir/attrape-touriste, le restaurant « ouverture bientôt », le coin épicerie, le coin bières et autres boissons, mais je ne vois aucun réchaud. Au moment de me présenter à la caisse, il me saute aux yeux (le réchaud, pas la caissière)!

Je me choisis donc un burrito qui semble le plus maison possible dans un dépanneur. On m’offre de la salsa, mais je refuse, vu l’impossibilité de faire « une belle job » au volant (maudit malade qui mange en conduisant! Attention, n’essayez pas ceci à la maison!). Pour l’anecdote, sur le chemin du retour, j’arrête à la même place pour la même raison. Juste avant moi, un homme à l’apparence tout ce qu’il y a de plus mexicain choisi des burritos et, devant l’offre de salsa, répond :
- Ce n’est pas de la salsa, ça, ce sont des tomates!
Tiens, j’ai donc bien fait, gustativement parlant, de laisser tomber la salsa. Une première adresse à conserver…

Toujours sur le chemin du retour, je m’étais dit que je m’arrêterais au TA en entrant en Oklahoma. En fait, il est situé à Sayre, à la sortie 26 de la I-40. Déjà, en passant la frontière Texas-Oklahoma, je commençais à être affamer. J’ai malheureusement passé droit à la première sortie, où un restaurant semble plutôt sympathique. Je m’étais déjà conditionné à me rendre au TA. Cependant, je le croyais plus proche. C’est donc dans un état semi-affamé que j’ai constaté que ce TA n’as pas de restaurant! Ah sacrement! Bien sur, il y a bien des restaurants-minutes, mais je n’ai pas l’habitude de les choisir, encore moins de retarder mon souper pour finir dans un restaurant-minute.

J’ai donc poursuivi ma route, en me disant que je finirais bien par trouver un restaurant… sachant qu’au pire, sur le respirateur artificiel, je pourrais toujours me rabattre sur Oklahoma City (quand même un bon deux heures plus en avant).

Après avoir vu plusieurs publicités pour un relais Philips, j’ai décidé de prendre une chance. Au pire, il y aurait toujours des chamouiches. Au point où j’en étais, c’était devenu un cas de survis… Sur l’I-40, à la sortie 84, dans la ville de Wheaterford, OK, je me suis donc arrêté au relais Philips. Une fois stationné, une affiche indiquait d’une immense flèche que le restaurant, « yé par là », dans un bâtiment séparé du relais lui-même. Pas encore assez affamé, je décide d’entrer dans le dépanneur. Si vous cherchez un souvenir de la Route 66, afin de faire comme si vous l’aviez parcouru, c’est l’endroit. N’importe quoi avec Route 66 écrit dessus, ils en ont. Vous pouvez même pousser la collection avec chacun des états traversés par cette route. J’aime à dire que j’ai déjà roulé la Route 66. En effet, du temps du Bobber à la sortie 225 de Sullivan, MO, il fallait rouler sur la Route 66 un bon… 100 mètres je dirais. Expérience captivante… mais pas longue! Un jour, je me la taperais bien, avec mon futur Westfalia, ou ma Coccinelle… Ce serait trippant d’ailleurs d’acheter le véhicule en Californie et d’aller le chercher moi-même pour le ramener sur ses roues, comme Michel « Hi-Ha Tremblay » Barrette a fait pour sa Prowler (ou était-ce une Viper?)… Des passagers? J’ajouterais bien que lorsque je sors à Santa Rosa, NM, je roule un bon kilomètre sur la Route 66. Je pourrais donc dire que j’ai deux états à ma collection!

Le restaurant à cette sortie s’appelle Lucille’s Roadhouse. Déjà le nom nous suggère que ce restaurant est ouvert depuis des centaines d’années. Et qu’il sert les voyageurs depuis tout ce temps. Dès l’entrée, on se sent dans le royaume de l’automobile. Sur la galerie, il y a deux vieilles pompes à essence. Dans le portique, différents comptoirs présentent encore des produits à l’effigie de la fameuse route. Moins que dans le dépanneur par contre. Une charmante hôtesse nous indique, selon notre préférence, le côté Café ou le côté Grill. Le Grill étant le côté plus chic (il faut quand même s’entendre, ce n’est pas le Reine Élizabeth), je choisis donc le Café, qui s’apparente à un vieux « diner » : table en formica avec contour en chrome, banquette en cuirette bleu poudre, petit tabouret en même cuirette, comptoir « long d’même » qui fait presque le tour de la place, et bien sur la collection de gugus, comprenant entre autre une plaque composée de différents bouchons de bouteilles de Pepsi (les vraies vieilles bouteilles en verre, fait en long, à l’ancienne). J’ai beau être un ancien buveur industriel de Coke, c’est le genre de chose qui m’émeut.

Le menu est typique du traditionnel « diner » : plutôt hamburger, frites, sandwich, etc. Je choisi le hamburger que personne ne prend jamais : sur les trois serveuses, aucune ne l’avait encore jamais servi!!! C’est ben moé! Il fut excellent. Le service aussi. Toutes trois, très gentilles. La mienne m’a demandé, innocemment probablement comme à tous ses clients, d’où je venais. On voit que la clientèle est plutôt voyageuse. Je lui ai répondu Montréal… Les yeux ronds « grand d’même », elle me demande :
- Qu’est-ce qu’un gars de Montréal fait dans un trou perdu comme Wheaterford?
Je suis certain, ami-e-s camionneurs, que ça vous est déjà arrivé. Mais normalement, dans un relais, ils ne se formalisent pas d’un fait aussi anodin, toute la clientèle venant d’un ailleurs ou d’un autre. C’est ce qui m’a surpris… Qu’elle soit surprise! Après réflexion, comme c’était un vendredi soir, probablement que ces trois jeunes femmes ne travaillaient pas en semaine (de toute évidence, elles étaient étudiantes). Ce pourrait expliquer qu’elles n’ont pas conscience de la provenance de leurs camionneurs… qui se font d’ailleurs peut-être plus rare en fin de semaine.

Je lui ai donc raconté que j’avais passé quelques jours plus tôt vers l’ouest, en route pour El Paso, et que je retournais maintenant vers Toronto. Ouf, les miles s’additionnaient dans sa tête, et ça semblait fou.
- Comment vous faites pour ne pas vous endormir?
- Ben, on s’habitue. C’est quand même notre travail.
De mon côté, je ne comprends pas comment quelqu’un peut passer des heures enfermé dans un bureau et, surtout, travaillant à heure fixe… Ou servir des dizaines de repas et toujours avoir faim pour souper. Remarquez que, du temps où je fabriquais des Pop Sicle, et surtout des Revell, avec Vitaline, vous ne m’auriez jamais arrêté d’en manger!

Bref, une rencontre charmante, un repas plus que parfait et un décor bien choisi. Un peu plus tard, je campai pour la nuit au Love’s de Oklahoma City, OK.

Poursuivant ma route le lendemain dès le tôt matin, je me suis dit que Tulsa, OK ferait un bon arrêt pour un déjeuner. En passant direction ouest, j’avais remarqué que le relais de la sortie 238 de l’I-44, le plus à l’est, était réouvert. Il porte maintenant la bannière Sinclair, dont la raffinerie nous accueille lors de l’entrée à Salt Lake City (ben, en fait, c’est un peu avant la ville, hors de la civilisation), en arrivant par l’I-80.

Je ne me souviens pas tout à fait de ce que ce relais avait l’air précédemment, vu que ce n’est pas tout à fait sur ma route, mais il a été complètement rénové. Et comme les américains sont fort en restaurant thématique, celui-ci a été décoré en vieux cinéma… ou chanteur, c’est selon. De nombreuses affiches de Marilyn, d’acteur dont je suis un peu jeune pour savoir le nom, ainsi que de statues d’Elvis Presley et des Blues Brothers (un autre film qu’il faudrait bien que je regarde).

J’ai donc pu déguster mon omelette (un choix déjeuné passe-partout) en agréable compagnie. À la table devant moi, un couple était à jeter un œil vers l’extérieur aux dix secondes… Puis, la dame prend son téléphone. Elle demande à l’interlocutrice ce qu’elle fait… Elle devrait être déjà avec eux, lui dit-elle. Alors, elle part à rire : l’autre dame, probablement parce que pour le commun des mortels, un relais de camion ressemble à un autre relais de camion, les attendaient de son côté au J Volant, une ou deux sorties plus près de la ville… Après lui avoir expliqué où ils étaient, tout ça en ne sachant pas le numéro de la sortie (et moi, pas mieux, je ne pouvais pas le leur souffler!), l’autre dame se pointant moins de cinq minutes plus tard. L’omelette était délicieuse, en passant!

En terminant, une mention pour le buffet du relais Voss, de Cuba, MO, à la sortie 208 de l’I-44. Il y avait trois (oui, trois!) buffets seulement pour la salade! Et trois aussi (oui, trois, c’est concept!) pour les mets constituants le plat principal… ou les plats principaux, si vous êtes américains!

J’ai terminé par tournée-surprise avec le Denny’s, situé à l’intérieur du Pilot de Daleville, IN, sur l’I-69 à la sortie 34. Ça vaut ce que ça vaut, mais ça fait changement des restaurants-minutes dont la majorité des Pilot sont affublés.

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