Dimanche soir, je suis rentré dans la cour, au bureau. Moi et Grenouille, nous préférions rentrer le soir même plutôt que se lever tôt le lendemain pour finir le voyage. Nous avions réussi, peu après Kingston, à dépasser la tempête. Toute la journée, nous avions été dans la pluie, qui tourna au verglas, qui redevient de la pluie... pour finalement devenir sec (la chaussée et le temps). Par contre, au Québec, on prévoyait la tempête du siècle. Un bon pied de neige (comme dans mon temps!). Pour les jeunes, un pied, c'est trente centimètres! ;)
Nous sommes arrivés vers minuit trente. Au sec. Aucune tempête en vue. Conscient par contre que la tempête finirait bien par nous rattraper. En peu de temps, j'étais dans les bras de Morphée.
À mon réveil, peu avant le cadran, j'ouvre les rideaux: givré et enneigé, le pare-brise me bloque la vue vers l'extérieur. Ce qui veut dire que la tempête est arrivé dans la nuit. J'allume la radio, car C'est bien meilleur le matin. Desautels de la circulation relate l'état de fin du monde sur l'Ile. Je me dis: aujourd'hui, ce sera une ambiance de War Room dans le bureau. Je m'habille et je sors dehors, désireux d'aller "partir le café" pour bien commencer ma journée... et celle des autres.
L'eau étant gelée (notre bureau actuel est comme une maison mobile), et de toute façon l'eau du village donnant le flu (s'cuzez, mais j'ai assez usé ma toilette pour le savoir!), je dois attendre que quelqu'un arrive pour ouvrir la porte de la section du bureau pour avoir accès à la "machine à eau".
Après un bon café ou deux, nous allons déjeuner Grenouille et moi Chez Nat. Tous les deux, nous attendons que nos camions soient prêts pour repartir sur la route pour la journée. De mon côté, j'aurai une livraison à faire à Drummondville avant de... je ne sais pas (à ce moment-là). La rumeur m'envoie même au Lac (ouf, beau temps pour aller loin!).
Vers midi, on me dit que je dois amener Jean-Pierre chez Peterbilt, d'où il ramènera un camion que le concessionnaire nous prête pour deux jours. Comment ne pas penser que nous sommes rendu BIG? Finalement, au moment de partir, nous nous faisons dire que ce projet est reporté.
Je pars donc seul pour Drummondville. Lentement mais surement. Ma tante Huguette disait, il y a longtemps, que le coffre-fort ne suivra pas le corbillard. Oups! Mauvais proverbe... celui qui s'applique le mieux est plutôt celui-ci: Mieux vaut arriver en retard qu'arriver en corbillard! En temps de tempête, la meilleure solution reste de prendre son temps. Aucun client ne se plaindra d'un retard un jour de tempête.
Par téléphone, je demande à Caro, à la maison, de vérifier mon adresse sur Mapquest. Par ce temps où rien n'est déblayé correctement, je me verrais mal me stationner quelques part pour vérifier moi-même sur mon ordinateur... et y rester! Elle me renvoie les directions par message-texte sur mon téléphone.
Arrivé à Drummondville, je sors à la sortie 175, tourne à droit, boulevard Haggerty à gauche, et mon client est devant moi. Le plaisir commence (et je n'en ai encore aucun doute!). J'entre dans la cours et me stationne. Un employé qui déneige (déterre?) son automobile m'indique à quel porte je dois me présenter. J'entre avec mon connaissement.
- Tu es de quel compagnie?
- TJB.
- Et tu es déjà ici? À quel heure avais-tu rendez-vous?
- Ben, midi et demi je crois (il est rendu quinze heures et même plus!).
- On ne t'attendait pas aujourd'hui. Ton rendez-vous a été déplacé à demain! Je vais vérifier si ils ont le temps de te prendre.
Ouf, ne me dites pas que j'ai mal compris mon répartiteur! Ce ne serais pas la première fois! La dame revient.
- Va t'en à la porte 17, en arrière. Les gars t'attendent.
Soulagement dans la tête et joie dans le coeur! Bon, peut-être que lorsque je vais téléphoner au bureau... mais on verra rendu là!
Je dois retourner sur la rue, pour prendre la rue de côté, pour entrer dans la deuxième cour, par en arrière de l'usine. C'est un cul-de-sac. Au bout, une étroite entrée me mène vers une dizaine de quais de chargement, situé en deux sections. Aucun ne semble libre lorsque je regarde les numéros de portes. Ah, le voilà. La 17 est la dernière porte sur le bord du mur. Donc, la moins bien dégagée. Et les quais sont en pente! Je suis déjà convaincu que je ne sortirai de là qu'au printemps! Ça commence bien.
Grâce au trottoir, à la galerie, à la boite sur le côté, reculer au quai n'est pas de tout repos. Je dois arrivé un peu de biais du côté aveugle. Doucement, je prends position et redresse mon équipement au dernier moment. Je vais voir à l'intérieur afin de savoir si je me suis correctement enligné. Comme tout est parfait, je retourne dans mon camion pour que l'employé ait le champs libre pour effectuer son travail.
Environ une heure plus tard, la lumière passe au vert. Je démarre le moteur, je laisse la pression d'air remonter, j'enfonce les deux boutons pour barrer les différentiels, j'appuie sur la pédale d'embrayage, je pousse le bâton de la transmission et je relâche doucement l'embrayage pour avancer. Rien. J'essaie de partir de la troisième, de la quatrième, de la cinquième (sur 10): toujours rien. Aucun mouvement, pas même une petite branlette. Je vais vérifier si le crochet a bien été enlevé... c'est bien le cas.
La grosse boite qui m'intriguait commence à m'attirer. Je vais voir et je l'ouvre: bingo! Une pelle et du sel à profusion. Je commence par nettoyer tout la neige autour des roues motrices. Ensuite, je saupoudre de sel assez généreusement. Je recommence mon jeux de bâton. Toujours rien. Je commence à bougonner.
Comme il est plus de seize heures, je téléphone au bureau.
- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle: je suis vide à Drummondville... et je ne suis pas capable de sortir d'ici!
- Bon, tu es le troisième aujourd'hui!
Vive les tempêtes! Évidemment, du bureau, ils ne peuvent pas faire grand chose. Au moins, ça fait un peu de support moral.
Attention: le langage va se corser...
Je retourne à ma pelle et au sel. Je suis maintenant en beau câlice. Je charris l'osti de sel à la grosse crisse de pelletée sale. Mon osti de truck, tu vas sortir en crisse de s'osti de trou à marde. Je garoche et garoche encore du sel et du sel.
Puis, en douceur, bien calme (des fois, lâcher une couple de câlice, ça fait du bien!), je remonte derrière le volant. Je commence en troisième. À peine si ça bouge. Quatrième, pareil. Cinquième. Ça bouge un peu pas mal. Espoir. Je débraye doucement, puis relâche. Je répète l'opération quelques fois. D'une fois à l'autre, le camion s'avance un peu plus. Puis, lorsque je sens que ça mord vraiment (de peur mais quand même), je le pousse à fond (tu vas sortir mon câlice!) et tiens bon. Je sens que les pneus grugent de toutes leurs forces, et le camion qui s'avance très lentement. Ça vire "de t'sour" autant que sur une piste de "drag"!
Une fois rendu sur le plan horizontal, j'immobilise le camion. Je redescend pour aller refermer les portes de la remorque. J'en profite pour aller voir mes traces: ouf, une vraie "beurre" de drag, avec la neige expulsée assez loin! J'y suis vraiment allé à fond! Au moins, j'ai réussi à sortir en relative douceur.
Je recommunique avec mon répartiteur pour la suite des choses. Je dois laisser la remorque chez un transporteur ami de Drummondville, puis j'ai la permission d'amener le camion chez moi. À mon départ de la prochaine semaine, je passerai ramasser une remorque à L'Assomption. Ça adonne très bien, Caro étant trop mal en point de son genou pour venir me chercher dans une telle tempête.
Je me rends chez le transporteur en question, à quelques coins de rue de mon client. Une fois les formalité de sécurité passé, je me cherche un endroit pour y laisser ma remorque. La chargeuse géante est au travail pour le déneigement. Malgré cela, le stationnement n'est que partiellement déblayé. Je réussi à me reculer dans un endroit relativement normal pour y décrocher ma remorque. Par contre, je ne suis pas capable de me déloger d'en dessous! L'opérateur de la chargeuse viendra à mon aide en me sortant à l'aide d'une chaine.
J'ai vraiment mon gros crisse de voyage sale à ce moment précis. Mes petits souliers de petteux sont trempes de bord en bord, évidemment mes bas aussi.
Et j'ai une de ces faims... Burger Nounours me viendra en aide pour ce souper. Je ne suis pas vraiment certain de pouvoir sortir du stationnement du restaurant, mais bon, au moins, j'aurai le ventre plein.
Une fois bien nourri, puis légèrement reposé, le retour s'est bien déroulé. Par contre, avec un simple camion, la tenu de route sur glace était au minimum et la conduite devait s'effectuer en toute délicatesse.
À mon arrivée à la maison, après une bonne douche (je veux un bain tourbillon!), ma tendre Caro m'avait préparé des chaussons à la fraise et rhubarbe et du bon café. Succulent et réconfortant. Merci chérie. XXX.
La route 6 – (2) Des Méchins à Sainte-Anne-des-Monts
Il y a 4 heures
1 commentaire:
hahahaha c'est tellement pas drole mais... ta facon de décrire les évenements... je reconnais si bien l'effet de la frustration montante et des sacres qui se mettent à sortir tout seul!!!! Merci :P
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