21 août 2007

Une semaine avant les vacances... (première partie)

25 juillet 2007

La dernière semaine sera la plus longue...

Il y a des moments, dans la vie du camionneur, où l'on dirait que le diable se met de la partie et nous balance tout son bagage de merde sur la tête. Il ne pourrait pas saupoudrer sur différentes personnes une petite merde ici et là, faisant ainsi un léger malheur à beaucoup de monde en même temps. Que non, cette semaine, c'est MON tour, et comme je le dis parfois: "Toutte arrive en même temps!" Ce qui empire le tout, c'est que cette semaine est la dernière semaine de travail avant les vacances... toujours bien mérité quand nous sommes camionneurs.

Dès mercredi, Joe me demande si je serais partant pour repartir samedi pour la Floride. La Floride, de par la rareté des voyages et de par son climat, est en quelque sorte considérée comme une récompense. Beau voyage tant que tu voudras, encore faut-il être prêt à repartir. À ce moment, je n'avais pas encore chargé mon voyage de retour... et moi qui aie d'énormes difficultés à évaluer "où je serai quand", il ne faut pas me demander de savoir si je serai revenu quand pour repartir là... (enfin, je me comprends!!!). Un calcul rapide me dit que je serai prêt pour repartir dimanche. Je veux bien concéder que plus vite je repars, plus vite je serai en vacances, mais il faut quand même un minimum de repos entre les voyages. Comme disait mon père: on ne travaille pas pour le diable... non, son frère!!! On oublie donc la Floride...

Vendredi, en me confirmant mon départ pour Waycross, GA, Joe me dit qu'il me faudra dénicher un fax pour samedi matin afin que Josée puisse m'envoyer mes papiers de douanes. Ainsi, je serai prêt à partir dimanche matin. En parlant avec ma douce moitié, nous confirmons que son amie en a deux et qu'au pire, notre bon pharmacien est un gars ben équipé...

Samedi matin, aussitôt dit aussitôt fait. Mais ça ne fonctionne pas. Premier essai avec le fax: il y a quelque chose qui cloche. Deuxième essai avec le Tout-en-un: tout, mais pas de fax! Ça devrait donc s'appeler un Tout-sauf-un-fax-en-un! Un coup de fil plus tard, la soeur de l'amie, qui a un bureau à la maison, se fera un plaisir de laisser son fax répondre. Josée s'exécute et Ta Dam, il ne me reste plus qu'à aller le cueillir... avant 11h00 puisque c'est l'heure à laquelle Josée termine. Heureusement, tout est parfait.

Dimanche très tôt, la petite famille embarque dans Le Bleu (c'est le nom de notre automobile) pour un voyage matinal. Trop matinal à mon goût, mais des fois il faut ce qu'il faut... une chance que c'est parce que les vacances approchent! On déjeunera en chemin. Un arrêt pour un bon café du père Van Houtte au méga-dépanneur de Matha (le sale qui a amené WcDo au village!), mais suite à une mésentente de couple, la dégustation de café matinale est reporté à une date ultérieur. Les joies des caractères de cochon mélangés avec le métier de camionneur, additionné d'un réveil trop tôt après une nuit commencée trop tard, couronné d'une petite puce qui se réveille en panique au milieu de la nuit. Ouf, tout pour être bien reposé!

Nous déjeunons à Lachenaie, chez Tutti Frutti. Les déjeuners y sont excellents, le service l'est tout autant. Ensuite, au camion pour y embarquer tous mes cossins: nourriture, eau, vêtements propres, et surtout le fax tant nécessaire. Sarah a peur de manquer son "babye-bisoux". Du calme que je lui dit, je ne suis pas encore parti! Embrassade et accolade à chacune de mes deux amours, et les voilà parti, la musique à tue-tête!

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Je constate que le numéro du scellé est indiqué sur le fax. Il ne pourra pas correspondre étant donné qu'il ne m'ont pas faxé la "pinne". Je dois donc choisir entre ne pas en mettre (ce qui serait louche puisqu'il y a un numéro sur le papier, et donc dans le système de la douane) ou en mettre un qui bien évidemment n'aura pas le même numéro que sur le papier (ce qui au moins n'éveillera pas de soupçon). Entre deux maux, je choisis le moindre: la deuxième solution. En apparence, tout sera parfait. Et comme les douanes sont revenu au temps où "tout le monde se fie sur tout le monde", ça devrait aller. (Attention, le chauffeur, la compagnie de transport ainsi que le client doivent être vérifiés et autorisés afin que ça fonctionne ainsi... n'allez pas penser que n'importe qui entre n'importe quoi!!!)

La douane se franchit facilement. Il y a peu de gens, autant du côté Touristes que du côté Camions. Je reçois la bénédiction de l'Oncle Sam (lui-même!) et je suis de retour sur la route. New York et la Pennsylvannie se traversent bien, mais la fatigue m'empêche d'atteindre mon but, soit Jessup, MD. Je m'arrête environ une heure avant ce point. Heureusement, à Shrewsbury, PA, il y a une place qui m'attend. C'est toujours un peu risqué à cet endroit, car il n'y a qu'environ 20 places. Je devrais bien être capable de récupérer l'heure manquante demain.

Lundi matin. J'effectue ma ronde de sécurité (merci à Histoire de camionneurs, sur les ondes de TQS, qui m'a fait réaliser son importance). Je constate que ma roue qui suintait ne suinte plus... elle pisse l'huile. Mon ancien patron m'avait déjà dit: comme c'est la même huile que dans le différentiel, il y en a tellement qu'elle n'en manquera pas. Bon, ma roue AVAIT pissé, car elle était sale, noircie par l'huile, gommée par la poussière, avec un peu d'huile au creux de la roue, avec le pneu tout huilé. Je décide de partir et d'en aviser Jean-Pierre (le responsable de la sécurité) plus tard dans la journée.

J'attends l'heure du départ à la minute près pour être en toute légalité, car je sais que la balance à l'entrée du Maryland est presque toujours ouverte. C'est le cas. Je constate qu'ils ont ajouté une pré-pesée (sur laquelle nous sommes pesé en roulant) et le système m'indique la voie de gauche/contournement. Je me rends à Baltimore, que je contourne vers l'ouest. Ensuite, je poursuis vers Washington, que je décide de contourner du côté ouest aussi, vu les travaux pour le nouveau pont du côté est. En approchant la voie de contournement, il y a une balance, souvent ouverte elle aussi, qui en passant s'évite très facilement (oups), qui se prend d'une drôle de façon. Peut importe de quel côté de la voie de contournement nous allons, il faut tout d'abord choisir le côté ouest, mais garder la voie de gauche. Il y a une sortie pour la balance ainsi qu'un stationnement pour le covoiturage. Les camions font donc le tour de la cour de la balance, passent devant la cabane, terminent le tour (ça donne un tour complet autour de la cabane) et en resortent, croisant au passage ceux qui entrent. Un peu pas mal beaucoup mal foutu. J'imagine qu'ils ont voulu occupé un terrain leur appartenant déjà, tout en ne faisant qu'une balance pour... deux, trois ou quatre directions!!! Même après avoir passer dessus, je ne suis même pas certain.

À ce moment, en ressortant, je mélange 495 Sud et 495 Ouest. Bon, déjà si il y a un à-gauche et un à-droite, ne devrait-il donc pas s'agir d'Est et Ouest? J'imagine que si nous sortons la carte, ça doit être justifié. Tout ça pour dire que je prends le mauvais côté. J'endure mon mal, et une fois sur place, je constate que les travaux sont si avancés que nous passons maintenant sur le nouveau pont. La circulation est à peine perturbée. L'échangeur au sud de Washington est lui aussi complété. C'est vrai que je ne passe pas souvent dans ce secteur, mais cela faisait si longtemps que ces chantiers étaient ouverts... Bon travail et merci à tous ceux qui y ont travaillé.


*****

En sortant du brouhaha de Washington, après une dizaine de kilomètres, il y a une balance. Et en Virginie, toutes les balances sont toujours ouvertes, sauf quelques jours par an. Celle-ci est très achalandée. Elle est amalgamée avec la halte routière pour les camions, qui est distincte à cet endroit de celle pour les automobiles, située quelques kilomètres auparavant. Je me dis que ça ferait un bon endroit pour diner. Alors je me présente à la balance et je constate que la pré-pesée, qui sert à faire dévier tous les camions plus légers n'existe plus. Elle a été remplacé par du béton! Donc, tous les camions sont invités à se rendre directement sur la balance de pleine longueur. Ce qui cause évidemment un embouteillage... Après un temps, la flèche de contournement s'active, puis l'indication "Open" change pour "Close" sur l'autoroute, comme le démontre les camions qui recommencent à circuler sur celle-ci. Mon tour vient. Je m'avance sur la plaque. Je dois maintenant attendre la lumière verte ou l'indication verbale qui me dira que tout va bien. C'est un peu long. Une seule personne opère les deux balances situées de chaques côtés de l'autoroute, ce qui parfois ajoute au temps de réponse. Je sais que mon poids est correct et je commence à me demander ce qui se passe. Lumière verte. J'y vais sans demander mon reste.

Un peu en avant, une voiture de police s'avance en barrant la voie. Une main sort par la fenêtre et fait signe de le suivre. Qu'est-ce que j'ai fait??? Je suis donc l'autopatrouille qui s'engage dans la halte routière. Il s'arrête derrière le "chanceux" précédent, toujours au dessus du puit souterrain. J'ai été choisi au hasard pour une vérification mécanique Type 1 (la plus complète). Que je suis donc chanceux! À ce moment, je me demande bien ce qui va arriver avec ma roue huileuse. On le saura bien assez vite. L'agent me demande mes papiers: permis de conduire, facture de chargement, d'où je viens et où je vais, papier du camion, et il jette un oeil dans mon registre des heures de travail. Là, je suis parfait... j'ai déjà trop eu de billet d'infraction (1 ou 2, maudite mémoire!). Je ne prends plus de chance. Bon, honnêtement, je suis presque parfait. ;) Mais cette fois, il n'aura rien à redire. Et en effet, il me remet mon registre aussitôt. Je lui demande pour aller à la toilette car je sais que nous en aurons pour environ une heure, une heure durant laquelle je me dois d'être présent. Il acquiesce et va "ouvrir ma facture"...

À mon retour, le chanceux précédent est passé à la deuxième étape. Je peux donc avancer mon camion au dessus du puit. L'agent m'explique qu'il va tout vérifier et que si tout est parfait, j'aurai une belle étampe (tiens, comme à la maternelle!). En effet, lorsqu'une inspection révèle un camion en parfait état, nous recevons un autocollant de couleur qui nous exempte d'inspection pour un trimestre dans toute l'Amérique du Nord (et comme on ne peut pas aller plus loin...). La couleur correspond au trimestre, et il y a un chiffre qui est le dernier chiffre de l'année en cours: 7 pour 2007. Et comme une inspection prend environ une heure dans un horaire où chaque minute compte, ne pas se faire revérifier pendant quelques mois est du temps de gagner. Il passe donc sous le camion pour mesurer l'ajustement des freins. Ensuite, il me dit d'avancer le camion dans le stationnement pour le reste de l'inspection. Toutes les lumières sont vérifiées. L'état sous le capot est vérifié. L'état des pneus... les miens sont plutôt avancés, mais il faut croire qu'ils sont dans les limites de la loi. Le jeu dans la direction, le fonctionnement des essuie-glaces, du klaxon et de l'alarme de basse pression d'air (pour le système de freinage) sont aussi vérifiés. Tout est parfait jusque là.

Puis vient la roue suspecte... Mon coeur se serre. Je l'observe du mieux que je le peux par les miroirs. Après quelques minutes, il vient me voir. Il m'explique qu'un joint d'étanchéité qui coule n'est pas un motif pour mettre le véhicule hors-service (ouf!), mais que je devrais y voir sans délai. Toute la roue et le pneu étant bien huilé, ce pourrait être dangereux pour le feu... et bla bla bla, autouroute bloqué, bla bla bla, toute une collection de camion d'urgence, bla bla bla, camion, remorque et chargement perdu, etc, etc. Il me donne presque la chienne... (les policiers américains sont assez bon comédien quand vient le temps de faire peur aux gens afin qu'ils comprennent le danger de la situation).

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Je repars de là en croquant ma sandwich... Plus loin, après le diner normal (des travailleurs normaux), je rejoins Jean-Pierre pour lui faire part de ma roue qui coule. Dois-je paniquer que je lui demande. Ce serait mieux de la faire réparer, car on ne sait pas vraiment si il reste beaucoup d'huile, et en roulant, l'huile chauffe, donc elle se liquéfie, et cela coule donc plus vite, la rotation aidant en plus... Il me conseille un garage à environ une heure et demie plus loin.

J'arrive et je constate qu'il y a 4 camions de stationné directement devant le garage. Je ne suis pas sortie d'ici! Je vais m'enregistrer et j'attends. Je commence par souper, ce sera ça de pris. J'aurai encore beaucoup de route à faire en sortant de là. Mon tour finit par arriver, alors j'entre le camion à l'endroit désigné. Le mécanicien qui fera le travaille se paye ma tête en me montrant la différence entre un "wheel seal" et un "hub seal". Bah, c'est pour ça que je conduis et que tu répares! En une heure, tout est prêt. J'ai une belle roue qui ne coule plus, mais qui est sale comme ce n'est pas permis. Ce n'est pas la réparation qui est longue, c'est d'arriver au mécanicien (tient, c'est comme pour nos médecins!!!).

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Lorsque je m'arrête pour passer la nuit, je considère que je ne suis pas suffisamment loin. Par contre, il vaut mieux arriver en retard qu'arriver en corbillard... Je m'installe donc dans une halte routière de la Caroline du Sud. Pour une fois, je serai bien stationné, parfaitement entre les lignes du stationnement. J'arrête le moteur, j'entrouve les fenêtres, je règle le cadran pour quatre heures (ouf!) et je m'installe pour un peu de lecture avant d'aller au lit. Avec la lumière allumé, il est évident de l'extérieur que je ne dors pas. Alors que je commence à me dire que je devrais aller au lit, on cogne à la porte. Je me relève. Un jeune homme m'explique qu'il fait ben pitié, que sa blonde n'a pas mangé, qu'ils sont tellement loin, qu'ils manquent d'essence, etc (la rengaine habituelle). Pourtant, cette fois, il semble si sincère qu'il passe à un cheveux que je craque. Je lui dit quand même que je ne peux l'aider. Je ne suis pas le père des enfants pauvres. Et comme on ne sait jamais si l'histoire est vrai ou non, moi je préfère me dire égoïstement: "qui mange d'la marde!". À bien y penser, c'était le deuxième de la journée après le gars qui, avec sa soeur, avait besoin d'un peu d'argent pour de l'essence pour pouvoir rentrer à la maison. Non mais...

Je m'étends et je m'endore paisiblement. Après un trop court moment de repos, je suis réveillé par des toc toc sur le mur. Je sursaute. Puis je rage un peu. "C'est qui le tabarnak"; "Cou donc, y'é quel heure? Trois heures!" J'écoute la façon de cogner, et ce n'est pas celle d'un policier américain: si sec, fort et violent que tu sautes de ton lit et tu retombes sur tes pattes tout habillé! Pas cette fois-ci. De plus, les fenêtres étant ouvertes, un policier crierait assurément. Je ne bouge pas, je ne sors même pas de mon lit. Il y a deux possibilités: ou c'est encore mon quéteux (le même ou un autre), ou c'est une prostituée (ce qui me surprendrait en pleine halte routière et qui de toute façon ne m'intéresse pas: je ne paye pas pour du sexe). Après deux ou trois fois, ça arrête. J'attends un peu, mais je suis tellement sur l'adrénaline (et en beau fusil!) que je crois bien que je ne me rendormirai pas. De toute façon, je dois me lever dans une heure. Bon, aussi bien partir tout de suite! (Attention les enfants, professionnel en action, n'essayez pas ceci à la maison!).

Je prends mon temps pour m'habiller et je démarre ma journée. Il me reste un bon bout de chemin à faire, et environ la moitié seulement sur l'autoroute I-95. Le reste aura donc une vitesse moyenne plus basse. Un peu plus loin, je m'aperçois que je n'ai pas cherché mon client sur mon logiciel de cartographie. Comme j'y suis déjà allé dans une autre vie, je me dis que "ça finira bien par me revenir!". Tout se passe bien jusqu'à l'arrivée dans la ville de Waycross où, enfin, ma mémoire me revient. Je sais où est mon client! Je suis tout heureux. J'ai un peu de difficulté à me rendre car, conformément à mon souvenir, la rue est en dessous du viaduc qui coupe l'autre rue qui, auparavant, donnait l'accès. Finalement, après quelques ratafions, détours, zig zag etc, j'arrive devant le client en m'exclamant: "câlice, c'est pas le bon client!". En effet, le client de mon souvenir reçois des rouleaux de carton, et celui que je cherche recevra, aussitôt que je l'aurai trouvé, du bois pour fabriquer des sommiers.

Je ne suis donc pas plus avancé. Je me rends donc au petit dépanneur qui a un stationnement de camion pour y cueillir de l'information et trouver mon chemin. Ça tombe bien, il semble que tous les policiers municipaux viennent y ramasser un café. Tout d'abord, je cherche la rue dans mon logiciel. Inexistante, trop nouveau probablement. J'ai une version un peu passé de mode... En allant à l'intérieur du dépanneur, j'entends une dame qui cherche elle aussi une rue se faire dire par un des policiers qu'il ne connait pas car il n'est pas vraiment de Waycross!!! Je décide de téléphoner à Joe, mon répartiteur. Après tout, ça fait parti de son travail que de m'aider à trouver mon chemin. À son grand étonnement, je suis son premier appel de la journée. C'est que je n'ai pas habitude de téléphoner au bureau pour le plaisir! Il me donne des directions que je tente tant bien que mal d'associer avec la vraie vie dans mon logiciel et sur la carte de l'atlas papier. Je décide d'une façon de faire lorsque je constate qu'une voie de contournement a été créée à l'ouest de la ville. Bingo, voilà mon client, dans son bâtiment tout neuf, qui se dresse devant moi.

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