25 février 2006

Ça pogne au coeur.

Cette semaine, je suis allé faire la tournée du désastre.

Ma livraison était à destination de Orange, Texas. Cette petite ville est la première que l'on voie en entrant au Texas venant de la Louisiane sur l'Interstate 10. Dans cette région, l'ouragan Rita avait été particulièrement dévastateur. À l'oeil, j'ai l'impression que Rita a fait plus de dommage direct (par le vent) que Katrina (à la Nouvelle-Orléans), qui elle a causé des dommages collatéraux à causes des innondations qui la suivirent (j'y reviens un peu plus loin).

Pendant que je roulais sur la I-10, j'observais la quantité de bâche bleue disposer sur les toitures des maisons et je me disais qu'il y en avait moins que la dernière fois (la dernière fois où j'avais passé sur cette route, Rita venait tout juste de sévir... 1 ou 2 semaines avant). Arrive la frontière du Texas, je prends la première sortie presqu'en panique, pour me rendre compte que mon impression de Streets and Trips avait oublier un numéro de sortie. Je roule sur la voie de service, rembarque sur la voie principale en me disant que "pour un mile, ça ne vaut peut-être pas la peine" pour me rendre compte que je n'avais pas le choix pour cause de voie ferrée. Ouf, car à certain moment, il est mal aisé de se r'virer sur un dix sous avec un camion.

Toujours est-il qu'en me rendant au client, je me rends compte que je m'y suis déjà rendu, pour un voyage de retour par contre. C'est une usine de poudre de carbone. J'y amène cette fois des palettes de plasique. Mon problème, c'est que c'était le Jour du Président, un congé férié semi-chômé. Je me disais que si on m'y envoyait, on avait dû vérifier... J'arrive sur place, je stationne mon camion à l'endroit indiqué, et je me rends à l'expédition. Un homme y est. Il me dit: "il n'y a personne de l'expédition aujourd'hui pour te recevoir". Bon, ça commence bien! Il m'indique l'autre bureau où je pourrais trouver quelqu'un qui trouvera quelqu'un... Une fois que j'ai réussi à me faire indiquer où me rendre, j'y vais. En fait, ce n'était pas sorcié, puisqu'il n'y a qu'une seule porte! Je serai donc déchargé.

On m'envoie ensuite à Harvey, en Louisiane. Pour ainsi dire, à la Nouvelle-Orléans. J'emprunte donc la I-10 vers l'est jusqu'à la Nouvelle-Orléans que je traverse à moitié, en observant les environs à la recherche de dégâts. Arrivé à la hauteur du Vieux Carré, je continue sur la US-90, je traverse le pont et je reviens vers l'ouest jusqu'à Harvey. À la radio, il y a un reportage "en direct sur les lieux" du WcDo de Metairie qui réouvrira bientôt ses portes et qui se cherche des employé-e-s. On offre jusqu'à 10$ de l'heure! Devant beaucoup de commerce également il y a des affiches "Nous embauchons". Évidemment, avec tous ceux qui ont quitté la ville et n'y retourneront pas, de nombreux employeurs sont à la recherche de personnel... des intéressés?

Emploi dans une ville magnifique, qui sait faire la fête, qui a inventé le jazz et ses dérivés, où il fait presque toujours très chaud et humide, situé sur le bord du Mississipi (pour les amateurs de nautisme) où il y a peut-être plus de bateaux que d'automobiles par pouce carré. La personne choisie recevra un salaire de crève-la-faim (mais quand même relatif au coût de la vie là-bas!), vivra dans une maison pas isolée ni chauffé (ce qui suffit 9 années sur 10, mais est frette en mausus LA année où la température descends en dessous de zéro!) et recevra à toutes les X années la visite de Mère Nature sous la forme d'une tornade.

À peine sarcastique, mon offre. Sauf que maintenant, nous savons que la ville est mal faite et qu'une section complète est innondable.

Je reviens à mon voyage. Une fois chargé de mes barils à destination de Terrebonne, je m'avance au coin de la rue où je m'improvise un endroit pour stationner pour souper. Je suis sur la rue River, et donc c'est la première rue sur le bord du Mississipi. Après souper, je monte sur la digue pour voir l'eau de plus prêt. Un peu plus loin, il y a un bateau de l'armée immense accosté sur mon côté du fleuve. De l'autre côté, je remarque les entrepôts du port de la Nouvelle-Orléans et je me dis que la fois où je suis allé livrer du papier à essuie-tout, c'était juste à côté de ces entrepots!

Par contre, Caro me demande par téléphone si c'est si pire que ça les dégats. Ben, que je réponds, tous les commerces que j'ai vu sont ouverts, les maisons sont debouts, les gens semblent heureux, dans les circonstances. Après avoir respiré l'air du large pendant un moment, je me dis que "quand les roues ne tournent pas, on ne fait pas d'argent" et qu'il serait temps d'embrayer. Je détricotte donc mon chemin pour revenir à l'I-10 que je prends vers l'est pour aller rejoindre l'I-59 vers Birmingham, en Alabama.

C'est là que j'ai vu. Aussitôt passé la sortie pour le Vieux Carré et le Super Dome, ça m'est tombé dessus comme la misère sur le pauvre monde. C'est sur que la noirceur tombant ajoutait au dramatique de la situation. De chaque côté de l'autoroute, aussi loin que l'oeil porte, on ne voyait que des maisons abandonnée, les fenêtres placardées, parfois avec une roulotte FEMA installé sur le gazon, souvent avec un conteneur à déchet ou une mini-entrepôt transportable dans l'entrée. Aucune lumière. Aucun commerce ouvert. Pas même une voiture de patrouille de temps à autre qui circule dans les rues. Aucune vie. Puis, à mi-chemin, de la lumière! Deux ou trois concessionnaires automobile sont ouverts. Le gros bâtiment vitré n'ayant pas totalement résisté, ils ont plutôt ouvert la section "chars usagés" pour servir la clientèle. Un peu plus loin, un dépanneur est ouvert. La court est plein de camionnettes, chacun ayant une remorque remplie soit d'outillage, soit de déchets. Je me dis que le "gars du dépanneur" doit s'être dit que tant qu'à dépressionner, autant réouvrir le commerce. Ça doit marcher vu qu'il est le seul ouvert à des miles à la ronde!

Après un moment, je me dis que ça fait un bon moment que je roule dans ce secteur... en tout, un bon trente minute de désolation, à une vitesse de 100 km/h. J'en ai été assez ébranlé.

.....

Pour combler ma journée, j'avais un pneu sur la remorque qui était mou. J'y ai ajouter de l'air, mais le lendemain, il était à nouveau mou. En observant de nouveau, je trouve trois clous plantés dans la semelle dans la première bande. Chanceux comme je suis, ça ne se répare pas (en tous cas à Meridian, MS) et il faudra un nouveau pneu! Je ramène la carcasse au cas où au Québec ça se réparerait!

1 commentaire:

Anonyme a dit...

On voit des images à la télé ou sur le net, mais d'être là bas et de le voir en direct sur place ! Ça doit vraiment prendre au coeur toute cette désolation.

L'offre d'emploi ne me semble même pas alléchante pourtant moi qui rêve de vivre au soleil à l'année... Sûrement pas dans une zone à ouragan...

Franz