17 mai 2010

Le Vice-Président

Dans une compagnie, il arrive souvent que nous ayons affaire au vice-président. Vous en connaissez assurément, il y en a partout.

Si la semaine va mal, on se confie à lui. Si la semaine va bien, aussi, mais il semble moins intéressé: il est meilleur pour régler les problèmes et les conflits.

Si on veut être au courant à quel point tous les autres confrères sont des incompétents, des impolis qui ne reculeront devant rien pour passer au devant des autres, si on veut savoir comment dénoncer ces gens désagréables qui demandent et reçoivent leur voyage de retour avant même d’être arrivé sur place, il est notre homme.

Si on a une demande technique ou logistique, on lui téléphone, car on a confiance en son bon jugement.

Si on veut savoir où est qui que ce soit dans la compagnie, on lui téléphone, car il est l’ami de tous.

Si on veut savoir qui est compétent, qui travaille vraiment pour les chauffeurs dans le personnel de bureau de la compagnie, en fin observateur, il est notre homme.

Si on peut redéployer la répartition pour économiser un ou des mouvements en échangeant des remorques, il nous dira qu’il avertira qui de droit, et qu’en cas de problème, il s’évertuera à faire comprendre à tout le bureau que "c’était ben mieux de la façon qu’IL a décidé de le faire".

C’est que notre homme a de l’éducation: il a entrepris un DEC en administration des affaires, qu’il a abandonné pour entreprendre un BAC en administration des affaires, malgré le fait qu’il faut un DEC complété afin d’entrer à l’université. C'est ainsi qu'il peut conseiller le grand patron sur la direction à prendre avec son entreprise!

Si on a eu une nouvelle, on se référera à lui afin de vérifier la nouvelle, ainsi que la crédibilité de la source de la nouvelle: il y a tellement de racontars sur la 401, on ne peut se fier à tous et chacun!

Si on veut savoir la différence entre un camion beau et un camion pratique, il pourra nous guider. Pourquoi se contenter de la beauté?

Si on a besoin d’un contact en haut lieu chez Kenworth, il est notre homme.

Parlant de contact en haut lieu, du temps qu’il était champion canadien de ski, il côtoyait les Trudeau et Mulroney de ce monde!

Parlant de ski, il ne compte jamais son temps afin de faire profiter, comme consultant, de ses connaissances en gestion de station de ski la grosse station dans Lanaudière ainsi que la plus grosse des Laurentides, eux qui sont si souvent incapables de résoudre les problèmes à l’interne!

Il a d’ailleurs été longtemps tiraillé car le plus gros gestionnaire de centre de ski au Canada, ne pouvant se passer des ses innombrables capacité de gestion de personnel ou technique en matière de station de ski, lui offrait un poste de gestion de la compagnie (pas juste d’une seule station, pfff) avec salaire dans les six chiffres, (camionnette, maison et déménagement fourni!). Mais tellement comblé par son travail de chauffeur à salaire durement gagné pour plus de quatre-vingt heures de travail sans reconnaissance de la part de ses si ingrats confrères, il a choisi le camionnage! Quel dévouement!

Il a un contact dans la police d’état du Vermont, alors toutes les technicalités des lois américaines, à un coup de fil près, il pourra vous les expliquer.

Il a également de nombreux amis parmi les camionneurs américains. Lorsqu’il en voit un prendre la 401, sitôt la douane de Windsor traversée, il s’informe aussitôt s’il se rend dans le grand Montréal. Lorsque c’est bien le cas, il donne à tout vents son numéro de téléphone, avec invitation à l’appel au besoin. Lui qui connait si bien la grande région de Montréal, il pourra servir de guide… et faire la conversation avec chacun d’eux à chaque semaine!

Si on se cherche un bon petit bistrot français sur la route du nord du Michigan, ou le propriétaire, si heureux de rencontrer un québécois, pourra nous nourrir presque gratuitement, il est notre homme.

Si par malheur, une douloureuse blessure nous afflige, difficilement opérable, il fera des pieds et des mains pour nous trouver un médecin rapidement.

Si on veut savoir quoi faire lorsque, dans une tempête, on a accumulé tellement de neige que la balance nous donne une infraction pour surpoids de près de 10 000 lbs, il est notre homme (apparemment, on plante le répartiteur qui ne voulait pas que la situation soit corrigée).

Il est toujours disponible pour nous aviser lorsqu’il a de beaux et longs voyages.

Curieusement, aucune nouvelle s’il a un court voyage! Probablement afin de ne pas nous affubler de sa tristesse.

Il est érudit: il lit La Presse et Ze Gazette tous les samedis matins, tranquillement en prenant un bon café. Sitôt les journaux terminés, il syntonise toujours le réseau PBS, auquel il voue un culte, ainsi qu’à ses auditeurs, afin de poursuivre l’évolution de son savoir.

Alors qu’il était affecté à la livraison d’eau à la Nouvelle-Orléans, il a pu s’entretenir des manœuvres militaires qui s’effectuaient derrière son dos, à lui et aux autres chauffeurs en attente, car il sait bien ce que font les militaires... son fils en est un, ce qui le rend si fier (ça au moins, c’est normal!).

Alors qu’il était chef national de la sécurité de la haute direction d’une grande banque canadienne à Montréal (pourtant gérer de Toronto depuis des années...), il passait ses temps libres à étudier les systèmes de sécurité des immeubles. Avec ses connaissances, il a pu conseiller l’entreprise qui installait le système de sécurité de notre nouveau garage, eux aussi si ingrats et incompétents. Malgré ses mises en garde, certains points furent négligés, et il y eut par le fait même de nombreux oublis et erreurs lors de la mise en marche du système. Bien fait pour eux, il faut toujours suivre les conseils de son vice-président.

Alors qu’il avait prétendument un problème de bouchon de réservoir de carburant, qui gelait facilement à cause de la présence d’une serrure, il l’a tout simplement cassé avec une grosse pince, au même moment où le grand patron, sorti en courant lors de son retour, allait lui conseiller de le faire. "On a pensé la même chose", lui avait dit le Vice-président!

P.S.: Il n’a pas passé des heures, retardant par le fait même deux autres chauffeurs, à chercher un tuyau que tous savaient qu’il n’existait pas, afin de sauver une réparation de crevaison, ainsi qu’un appel au responsable de la mécanique (dont se faire réveiller la nuit fait parti de la définition de tâche).

P.S. 2: Il n’a pas arraché le tandem de sa remorque en tournant trop court, le tandem reculé au maximum, au client de matelas en Géorgie, ni réparé le tout avec une barre à clou et de la broche, afin de ramener la remorque sur ses roues au garage.

P.S. 3: Il n’a pas non plus passé quatre à six heures par voyage pendant tout l’hiver sous la remorque à déglacer le plancher au petit tournevis, même après s’être fait dire plusieurs fois d’aller au lave-camion par tout le monde.

P.S. 4: Il ne négocie pas les rendez-vous à l’inverse avec le client afin d’être chargé avant ses confrères, simplement par bonté d’âme afin de leur tenir compagnie sur le chemin du retour, eux si ingrats qui ne l’attendrait pas une seule minute.

Attention, il ne faut pas confondre le vice-président et son secrétaire.

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